Le discours autobiographique de Malika Oufkir, fait à l’écrivaine Michèle Fitoussi, est très dur à lire. De savoir que ce récit est vrai, nous oblige à faire quelques arrêts de lecture pour se demander comment un tel manque d’humanité peut exister.
La petite enfance de Malika se passe entourée d’amour dans son foyer. À l’occasion des 25 ans de règne, le Souverain adopte Malika pour donner, à sa fille unique, une compagne du même âge. Elle a cinq ans et sera élevée dans le palais du roi. On lui enseigne l’art d’être princesse, mais éloignée de sa famille, surtout de son père qu’elle aime, Malika ne connaîtra que la vie derrière les murs du palais. Elle souffrait tellement de solitude qu’elle a voulu se suicider à deux reprises. Elle mit l’effort nécessaire et devient une jeune fille charmante. Puis, arrive le coup d’État du 16 août 1972 contre le roi, qui entraîne la mort du général Oufkir et l’incarcération de sa femme Fatima et de ses six enfants. Les policiers armés sont venus les prendre pour les emmener dans le sud du Maroc. Dans un village près d’Agadir, ils font descendre de voiture, la famille Oufkir, et les font aligner dans un terrain vague. Les policiers se postent en face et les menacent de leurs armes. Cet arrêt n’est qu’une manipulation pour les effrayer. On ne peut s’imaginer qu’une brutalité si révoltante peut être commise par des humains. On les fait remonter et rouler jusqu’à une caserne vétuste dont les pierres s’écroulent . La nuit, ils sont visités par des rats, des scorpions et des chauves-souris. De plus, pour démontrer la cruauté du Souverain, il est dit : « il s’acharne à obtenir la mort naturelle des Oufkir, par privation de soins médicaux, de nourriture, de lumière ». Cette phrase m’a mise en rage. Une manière propre à les jeter dans le désespoir, avant de s’éteindre. La courageuse Malika pare au manque d’hygiène, en autant que faire se peut, et va refuser qu’on les laisse mourir. Servant de seconde mère, elle continue d’instruire et de réconforter les siens. Où puise-t-elle cette force morale?
Par d’habiles ruses, Malika et trois de ses frères et soeurs s’évadent, ce qui leur donne enfin de voir la vie des Marocains. Ils ont été repris et continueront à connaître humiliation, faim, soif et angoisse jusqu’au jour de leur libération. Il a fallu une campagne de presse internationale pour que Fatima Oufkir et ses enfants soient autorisés à se réfugier en France.
Que d’efforts ont dû déployer les membres de cette famille pour affronter des gens dits « normaux » après ces vingt ans enfermés dans des conditions inhumaines. Comment peut-on réapprendre à vivre dans un pays qui préfère les ignorer.
Ce récit m’a bouleversée et m’a fait réaliser qu’on vit dans un pays où on est jugé et accusé avant d’être condamné et incarcéré. Fatima et ses enfants ne sont quand même pas coupables du coup d’État contre le roi du Maroc.
Saumar - Montréal - 91 ans - 14 septembre 2009 |