J'appelle mes frères
de Jonas Hassen Khemiri

critiqué par Pucksimberg, le 27 décembre 2015
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
La peur d'un immigré après un attentat
Ce texte a des accents de vérité dans ces heures sombres. Il a été écrit après un attentat en Suède et témoigne du trouble des immigrés qui ont conscience qu'ils vont être désormais vus différemment par les autres parce qu'ils sont d'origine arabe. Ces dialogues enfiévrés traduisent une urgence, une angoisse irrépressible et le sentiment de se battre contre quelque chose qui les dépasse et qui ne peut se dompter.

Ces dialogues permettent de suivre tous les mouvements de pensée du personnage principal, son rapport aux autres et à ses frères. Face à cet attentat, il a le sentiment de ne plus déambuler dans les rues de manière anonyme. On l'identifie, c'est un arabe, forcément un confrère du terroriste. Il éprouve donc le besoin de se rapprocher de ses frères, pour ressentir une certaine confiance, un certain soutien que parfois il ne trouvera pas. Cette situation de rejet donne l'impression qu'il est une victime et que ce type de réactions pourrait le faire basculer du côté de ceux qui terrifient ... Le sujet est polémique et met le doigt sur un cercle vicieux, problème tellement contemporain au vue des attentats que vient de connaître la France.
Et puis, ces dialogues interpellent le lecteur. Que dire de cette personne qui représente une association protectrice des animaux alors que les hommes eux-mêmes ne sont pas en sécurité ? Il est intéressant de voir les équivalences entre les hommes et les éléments chimiques, d'observer les liens créés entre ce qui est physique et ce qui est humain. Élément qui nous rappelle que nous sommes tous des hommes avant d'être une nationalité ou une religion.

Le texte ne se veut pas moralisateur. Il ne faut donc pas attendre une leçon ou une morale. C'est un cri, un ressenti face à une situation en Suède qui interroge. Les Suédois ont été secoués par cet acte, l'extrême droite avance de plus en plus et l'étranger dérange parce qu'il fait peur. Avant d'être un roman, Jonas Hassen Khemiri avait écrit un texte polémique dans un grand journal suédois. Cet article est devenu ensuite une pièce de théâtre, puis le roman que j'ai entre les mains qui emprunte énormément au genre théâtral. Ces dialogues sont habités d'un souffle qui nous porte jusqu'à la fin de cet ouvrage.

Ce texte a été adapté au festival off d'Avignon avec succès et montre combien ses mots résonnent dans notre imaginaire tel une confidence fiévreuse.