Ode à la France
de Georges Mérédith

critiqué par Eric Eliès, le 21 novembre 2015
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Un plaidoyer lyrique pour la résurrection de la France après le désastre de 1870
En ces temps troublés où la France est devenue la cible d’agressions terroristes visant tout autant ses ressortissants que ses valeurs, ce long poème de Georges Meredith, qui évoque la débâcle de 1870 et le redressement de la France, pays incarnant la défense des libertés et le triomphe de la Raison sur les obscurantismes, résonne d’étranges échos contemporains. Cette ode souligne aussi les liens paradoxaux d’amour-haine qui unissent la France et l’Angleterre, depuis la fin de l’épopée napoléonienne… Georges Meredith est un poète et romancier anglais du XIXème siècle. Son ode, par moments à la limite du panégyrique, est un vibrant hommage rendu à la France, dont il espère qu’elle saura tirer les leçons de son effondrement. Le souffle est ample et lyrique, avec des images puissantes qui portent un message politique et philosophique sous forme de plaidoyer pour les valeurs incarnées par la France. Cette forme de poésie a totalement disparu depuis les poèmes patriotiques de la Grande Guerre, et c’est peut-être dommage comme il est aussi dommage que Meredith, dont l’écriture peut ici faire songer à Victor Hugo, ne soit pas mieux connu en France, voire soit totalement ignoré (je viens de constater qu'aucun de ses livres n'était référencé sur CL, alors qu'il fut au début du siècle aussi célébré en Angleterre que Swinburne, Hardy, etc.). A l’heure où les attentats commis à Paris ont remis dans la lumière les liens de solidarité entre la France et le reste du monde, et plus singulièrement avec l’Angleterre qui s’interroge en même temps sur sa place en Europe, les hommes politiques et les journalistes qui accaparent la scène médiatique se répandent en discours improvisés à chaud, ignorant que le passé est riche de leçons pour le présent et le futur…

Meredith imagine que les Dieux ont voulu punir la France de son orgueil qui l’a poussé à trahir son idéal de liberté quand, ivre de ses succès et de sa force, elle est devenue une puissance arrogante à la volonté d’hégémonie impériale.

Ils sont sur elle maintenant, ils emplissent ses oreilles / et la France connaît les Dieux. / Ce sont eux qui la jettent dans la poussière devant la Force, / leur esclave, pour que la Force se repaisse du beau corps abattu, qui naguère étincelait de grâce et de fierté ;
(l’âme de la France) pleure de douleur, elle pleure devant les Dieux, / car terribles sont leurs mains qui châtient, déchaînées / (...) / Elle implore à grands cris la Force, la Force, jadis son idole, trop longtemps son jouet


La France, en s'appuyant sur la puissance de ses soldats (qui jouissaient de la fête en gloutons du triomphe et étaient le tremblement de terre et l'ouragan, / les éclairs et le nuage de sauterelles, et le fléau de la nielle, / ils étaient les fléaux de la joie : ils étaient la pluie du Déluge ) s'est tissée une couronne et a mis les autres peuples sous le joug. Pour avoir usé de la force, elle a été châtiée par la Force (incarnée par l’Allemagne) mais elle reste l’enfant chérie des Dieux, qui n’attendent qu’un geste d’humilité de sa part pour la rétablir dans ses droits à la tête de l’humanité.

Défais-toi de ta robe tissée d’orgueil et de honte / (…) / Défais tes diamants, en te rappelant leur origine, / leur usage, et l’abominable nom / de celle qui en parait son impériale beauté / (…) / Meurs à la vanité, tue ton Orgueil, / dépouille ton Luxe ; pour que tu vives


Les peuples du monde espèrent que la France (qualifiée tout au long de l'ode de « Mère de la Raison », « Champion de l’esprit libre », etc.) les guidera à nouveau, les éclairant du flambeau de la Raison, et les aidera à se libérer des derniers liens d’asservissement qui les entravent.

Noble France ! C’est l’Humanité / qui est mise à l’épreuve, en toi. / Maintenant, le genre humain tout entier sera ton fief ! / Prouve que la loi de la Raison est toujours victorieuse. / Fais-toi de la calamité une auréole, / et, toute sanglante, marche à notre tête à travers la mer orageuse