Mort-Terrain
de Biz

critiqué par Libris québécis, le 5 novembre 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Des blancs et des amérindiens
Biz, rappeur du groupe Loco Locass, vient de remporter le prix France-Québec 2015 avec Mort-Terrain. Après un roman touchant sur la paternité (Dérives) et un autre sur le suicide pour les adolescents (La Chute de Sparte), il examine les tensions d'un village minier de l'Abitibi entre les blancs et les autochtones. Il aborde en fait le mal-être qui pousse à la quête de soi.

Cette fois-ci, le roman débouche sur une démarche collective qui correspond à la conception que l'on se fait du Québec sous tous les aspects. La culture, l'environnement, l'économie doivent faire partie des combats que l'on mène pour éliminer les frontières que l'on a érigées pour se protéger soi-disant contre autrui, en l'occurrence les autochtones. Un Québec idéal passerait par la voie du métissage pour s'offrir un pays harmonieux.

La narration s'élance tambour battant en s'attachant aux détails physiques du milieu et aux personnages typés que les Québécois reconnaîtront d'instinct. Le véhicule linguistique est très coloré. Il se veut réaliste pour que l'on décrisse (se débarrasse) ceux qui s'en calisse (les indifférents). Ce n'est pas une écriture qui s'adresse aux enfants de choeur. Tout est rude, voire la sexualité. La singularité du roman origine du tissage des genres. Le roman social recoupe autant le fantastique que l'horreur et le mysticisme. Mais au final, on réalise que c'est une œuvre analytique d'une situation qui empoisonne l'existence pacifique des peuples.

C'est par les yeux d'un jeune médecin nouvellement arrivé dans un village abitibien isolé aux abords d'une mine d'or désaffectée que l'on ausculte la vitalité québécoise. Le diagnostic ne crée pas d'espoir. Si le mort terrain définit la partie stérile de ce que l'on extrait d'une mine, il faut dire que la population s'imbrique dans cette définition. C'est un monde d'hommes qui craint la dentelle. La testostérone enclenche des conduites dignes des arènes romaines. Pick-up, stripteaseuses, alcool composent un quotidien peu raffiné. Les Amérindiens, quant à eux, vivent dans une réserve voisine du village, où pratique le nouveau médecin. La situation n'est guère plus reluisante. La population autochtone représente un échantillonnage complet de tous les problèmes de santé du Québec en plus des problèmes sociaux comme la violence, le suicide...

Pas aisé d'exercer sa profession dans un milieu hostiles aux blancs. Chaque faction se voue une haine qui s'exarcerbe depuis qu'une multinationale exploite les richesses minières d'un territoire que l'on revendique. Pour survivre en terre améridienne, il faut devenir de cœur l'un des leurs. Grâce à un métis, le médecin s'initiera suffisamment à leurs us et coutumes pour être intronisé comme membre des premières nations. Cette symbiose ne tait pas la nature du Wendigo, une créature maléfique que l'on retrouve dans les romans fantastiques. S'en suit un discours moral de la part de l'auteur qui invite tous et chacun à distinguer le bien du mal.

Pour assurer le salut du Québec, on se doit de passer par le métissage culturel. D'aucuns y verront des vœux pieux. Mais ça reste un roman qui pourra plaire aux Français attachés aux couvre-chef à plumes qu'a exploités aussi Natasha Saint-Pierre avec son dernier album Mon Acadie.