Gênes au 15e siècle
de Jacques Heers

critiqué par Vince92, le 26 janvier 2018
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Puissance financière et commerciale
Jacques Heers est un médiéviste disparu assez récemment (2013), qui a consacré son travail universitaire et son oeuvre à la période de la fin du moyen-âge et aux problématiques liées au commerce, aux mécanismes économiques et à l'urbanisme notamment. Ses livres comportent également des biographies de personnages connus (Louis XI, Machiavel, Christophe Colomb,...) et il a écrit sur des sujets qui sortent de son domaine d'étude initial (Croisades, Islam,...)

Ce livre est l'adaptation (la vulgarisation devrions-nous dire) de la thèse de J.Heers publiée en 1961. Le sujet est passionnant, mais son traitement est relativement raté. Vulgariser n'est pas condenser (ou pas seulement), et la lecture de ce livre de 400 pages donnera beaucoup de mal à la plupart de son public: l'ouvrage est partagé en trois parties: La situation géographique de Gênes, sa vie économique et ses caractéristiques politiques et sociales. Bien vite on se rend compte que la seconde de ces parties écrase par le volume de pages et le détail des informations livrées le reste du livre... l'intérêt de l'étude de la République de Gênes à cette période vient en effet essentiellement du fait qu'elle était une puissance financière et commerciale de premier ordre dans le monde connu du XVe. siècle.
Puissance financière d'abord car elle était en pointe dans les techniques moderne de financement, de création monétaire, d'assurance (bien que dépassée dans ce par ses rivales et notamment Venise). Jacques Heers se répand en détail sur ce sujet et parvient à perdre le plus motivé de ses lecteurs. Puissance commerciale ensuite car les marchands génois, parvenant à détecter les tendances des flux commerciaux, parviennent à anticiper les changements fondamentaux en Orient (montée de l'Empire turc) et à déplacer le centre de leur activité vers d'autres produits et d'autres marchés. Là encore, le livre est beaucoup trop détaillé à mon goût.
En revanche, les aspects politiques et sociaux sont à mon sens assez légèrement survolés dans un ultime chapitre qui aurait mérité d'être plus étoffé. En effet, l'auteur nous décrit la structure politique de la ville et les antagonismes qui en découlent (divisions entre "vieille" aristocratie et aristocratie d'affaire", entre partis guelfes et gibelins (séparation qui semble être passablement anachronique), entre nobles et "populari"... mais pas un mot par exemple de la politique diplomatique des Doges ou peu de mentions des échanges culturels avec l'Islam en terre d'Orient par exemple.
Ainsi, ce livre, exhaustif sur plusieurs aspects, passe complètement sous silence d'autres traits qui auraient été, à mon avis, très instructifs. Néanmoins on apprend beaucoup à la lecture de cette étude, et on ne peut-être qu'étonnés de l'avancement des techniques financière développées à Gênes, véritable laboratoire de la financiarisation de l'activité économique.