Mémoires de rock et de folk
de Philippe Koechlin

critiqué par Numanuma, le 15 octobre 2015
(Tours - 50 ans)


La note:  étoiles
Monsieur Formidable
C’est quoi le talent ? A la lecture de ces Mémoires, je dirais que le talent, c’est une forme de sobriété. Et de modestie aussi, comme si l’un allait avec l’autre.
Le truc c’est qu’on parle d’un gars, Philippe Koechlin, qui a bien des raisons de se la raconter. Enfin, avait, parce qu’il laisse depuis 1996 un grand vide dans le monde de la critique rock. De la critique tout court, en fait. Parce que oui, Monsieur Koechlin a fondé Rock & Folk, ni plus, ni moins. D’abord un numéro zéro, que j’imagine très recherché des collectionneurs, au sein de Jazz Hot, puis la revue que l’on connait et qui est probablement mon influence majeure. Alors oui, Monsieur Koechlin avait toute les raisons de pondre des grands textes bien chiadés, avec des mots complexes, des métaphores m’as-tu vu, des rimes riches, des litotes et des même des zeugmas !
Sauf que… Sauf que Monsieur Koechlin avait conscience d’être un artisan de la ligne, pas un styliste. Ses textes en gardent une grande sobriété, pratiquement une douceur dans le propos. Tempérament d’une autre époque peut-être, ou conséquences d’une grande culture du jazz, cette musique qui demande aux instrumentistes, quelle que soit la grandeur de leur talent, de se mettre au service de l’orchestre.
L’article intitulé Numéro Zéro, page 45, est un modèle du genre qui commence par un concert de James Brown et finit sur Charlie Hebdo. Entre les deux, de la finesse, de la retenue, de l’émotion contenue. En 4 pages et demi, Rock & Folk est créé, imprimé, vendu. Rien à ajouter. Tout y est. La genèse, le bouillon primordial et les premiers cris du nouveau-né. Alors que ce même épisode, pour son importance dans le paysage éditorial français, mérite un livre entier !
Comment fait-il ? D’où tire-t-il cet art discret de la concision ? Peut-être de cette attitude en retrait, cette modestie incarnée qui le laissait penser que ses textes n’intéresseraient pas grand monde. Ou alors c’est parce qu’il s’appelait Philippe ?
Il y a comme un mystère chez Rock & Folk : s’appeler Philippe est comme un sésame. Qu’on en juge : Philippe Koechlin donc, fondateur avec Philippe Adler, plus tard Philippe Paringaux, la première grande plume, Philippe Garnier, Philippe Manœuvre, j’en oublie sûrement.
Bref, si ce n’était pas si contraire à sa vision des choses, Monsieur Koechlin mériterait bien une statue rue Chaptal, lieu historique, premiers locaux de Rock & Folk, aujourd’hui disparu. Johnny a bien été décoré…