Bonsoir, la rose
de Chi Zijian

critiqué par Myrco, le 19 décembre 2017
(village de l'Orne - 75 ans)


La note:  étoiles
Un intérêt historique plus que littéraire
Récit doux-amer qui au final ne m'aura laissé qu'une absence de saveur, "Bonsoir, la rose" n'est pourtant pas sans présenter des aspects tout à fait dignes d'intérêt.

Le roman a en effet pour cadre la ville d'Harbin porteuse à plus d'un titre d'une identité propre. Chacun d'entre nous a probablement, peut-être sans le savoir, vu des images de cette mégalopole du nord-est, située dans l'ancienne Mandchourie, la plus froide de Chine en hiver, qui abrite chaque année un festival éphémère de magnifiques sculptures sur glace médiatisé dans le monde entier. Mais là ne s'arrête pas son originalité puisqu'elle est aussi de par son histoire et sa proximité avec la Sibérie, la plus russe des villes chinoises, refuge autrefois d'une très importante communauté de juifs russes chassés par les pogroms et la révolution bolchevique, passé dont témoignent encore un certain nombre d'éléments architecturaux. C'est par le biais de l'une des deux figures féminines centrales du roman, Léna, descendante directe de cette communauté, que Chi Zijian projette l'éclairage sur ce pan d'histoire et à sa suite sur un autre épisode que j'ignorais aussi totalement, le "plan Fugu" ourdi par les japonais dans les années 30, plan qui visait à créer au bénéfice de leurs propres intérêts, un état juif dans ces territoires qu'ils occupaient.
Si j'ajoute à cela de multiples notations qui, au détour du récit, façonnent le visage de la société et des mentalités de la Chine d'aujourd'hui: subordination de la femme, conditions des travailleurs issus d'une immigration des campagnes vers les villes, corruption de la police, survivance de croyances anciennes, et bien d'autres dont certaines sont évoquées si discrètement au passage que le lecteur peu sensibilisé risque de les occulter, j'aurai fait le tour de ce que je mettrais au crédit de cet ouvrage.

On l'aura compris, pour le reste qui en constitue la substance proprement littéraire, mes attentes auront été largement déçues.

Il s'agit du récit d'une jeune femme, Xiao'e, que la vie n'a pas vraiment gâtée, issue d'un milieu rural, qui au terme de ses études universitaires ne parvient à décrocher qu'un emploi subalterne de correctrice dans une agence de presse.Ses revenus modestes ne lui permettant pas de louer un appartement en ville, elle loue successivement des chambres chez l'habitant, et grâce à l'entregent de son amie Weina, finit par atterrir chez une vieille dame octogénaire, raffinée, juive très pratiquante, cette Léna dont le passé intrigue les deux jeunes femmes. La cohabitation ne sera pas toujours facile, la dame étant à cheval sur certains principes, mais néanmoins bienveillante sous sa réserve. La suite du récit reviendra sur le passé de Xiao'e, son statut d'enfant de la honte, fruit d'un viol, rejetée par le père, maltraitée, et nous contera ses expériences amoureuses souvent décevantes...
Curieux récit en vérité, qui glisse, de manière assez déroutante, d'une tonalité plutôt légère, traversée de pointes d'humour, donnant à voir une narratrice spontanée, rafraîchissante même si la vie ne lui fait pas de cadeau, à une tonalité beaucoup plus sombre, générée par un désir de vengeance obsessionnel à l'encontre du violeur de sa mère dont l'aboutissement réunira les deux femmes, elle et Léna, dans le partage de leurs lourds secrets.
J'avoue que cette seconde partie entachée d'un hasard peu probable et qui confine de mon point de vue au mélodrame m'a fait quitter le navire; j'ai lu la suite et fin à quai si je puis dire, totalement détachée de l'histoire et des personnages.
A la réflexion, l'écriture aura sans doute été responsable en grande partie de cette mise à distance. S'il est légitime de penser que les traductions ne rendent pas toujours justice au texte original, je ne crois pas qu'ici il faille incriminer la traductrice. Plus encore que porté par une langue plate et un style sans relief particulier, ce texte m'est apparu essentiellement factuel, écrit au ras des évènements ou faits matériels qui jalonnent la vie de la narratrice, sans véritable ouverture sur l'intériorité du personnage, créant un sentiment désagréable de vide, de superficialité. Et ce ne sont pas quelques remarques naïves, presqu'enfantines, un peu mièvres ou faussement poétiques qui auront infléchi ma perception.
Xiao’e et Lena 6 étoiles

Pas forcément un grand souvenir ce « Bonsoir, la rose ». Plus d’intérêt pour ce que l’histoire révèle d’une Chine moderne – la ville d’Harbin en l’occurrence, aux confins nord près de la Sibérie – que pour la chose littéraire elle-même.
Xiao’e, jeune campagnarde, est parvenue par ses études à s’émanciper du monde rural et à venir vivre en ville, à Harbin, où elle est correctrice dans une agence de presse. En dehors de la performance d’avoir pu quitter la ruralité dans de bonnes conditions, Xiao’e s’estime peu, se trouve banale, sans grande beauté, c’est un peu compliqué pour elle. Dans l’impossibilité de trouver un logement correct à un tarif supportable, elle se fait aider par une collègue plus délurée, Weina, qui lui présente Lena. Lena, octogénaire russe, mais surtout juive, qui s’est réfugiée en son temps en Mandchourie pour fuir Russie et Sibérie. Etonnant et détonant déjà comme mélange.
Xiao’e va devenir locataire de Lena, elles vont cohabiter, la jeune campagnarde sans assurance qui ne se voit guère d’avenir et Lena, octogénaire raffinée qui, elle, a un passé chargé à défaut d’avoir encore un avenir. Lena va servir de mentor à Xiao’e, essayer de lui communiquer plus de confiance en elle.
C’est cette partie cohabitation qui est intéressante dans ce qu’elle révèle, par les différences entre les deux femmes, du visage réel de la Chine d’aujourd’hui, ou disons d’un milieu urbain tel Harbin.
Les hommes n’ont pas le beau rôle dans ce roman – et peut-être dans la vie réelle pas davantage finalement ? C’est typiquement une histoire entre femmes.

« Quand il y a de la tendresse dans le regard d'une femme, d'où cela vient-il ? C'est toujours à cause de la flamme que lui manifeste un de ces salauds d'hommes ! Mais souviens-toi que tôt ou tard, cette flamme s'éteindra… Voilà pourquoi une femme intelligente ne doit pas se donner à un homme pour la vie. La femme est une rose, l'homme est l'abeille. Quand il a fini de butiner son pollen, qu'elle n'a plus d'attraits pour lui, il s'envole vers une autre rose. »

Au bout du bout on sort de cette lecture comme on émerge d’un milieu qui nous est étranger. Il faut s’ébrouer pour repartir. Cette histoire entre une vieille dame juive et une jeune chinoise campagnarde néo-rurale parait sortie de nulle part. Sinon de la plume de Chi Zinjian !

Tistou - - 68 ans - 31 juillet 2018


Mélancolie... 8 étoiles

Xiao'e, jeune fille de milieu modeste, va habiter chez Léna, une vieille dame juive dont la famille a fui la Révolution russe pour venir à Harbin. La cohabitation ne sera pas évidente au début entre les deux femmes mais peu à peu, elles apprennent à se connaître.
Une très belle histoire de la Chine moderne : un mélange d'amitié entre deux femmes que tout semble séparer, d'amour entre Xiao'e et l'homme qu'elle sauve d'un voleur mais aussi de recherche de paternité... Un mélange très savoureux, l'écriture de Chi Zijian est très douce, le quotidien mais aussi le passé prennent leur juste place dans ce récit, entre Xiao'e, perdue par ses questions sur ses origines et le passé mystérieux de Léna. J'ai aimé cette rencontre avec ces femmes (même si au début j'ai confondu une paire de fois Léna et Weina) et même si la fin m'a un peu refroidie, j'ai apprécié la mélancolie qui ressort du récit, comme du titre...

Shan_Ze - Lyon - 41 ans - 10 mai 2018


ni enchantée ni déçue... 6 étoiles

Bonsoir, la rose de Chi Zijian est un de ces livres dont je ne peux pas dire qu'il m'ait enchanté ni déplu. le rythme est posé ; la lecture se poursuit comme on déviderait une pelote de laine, sans aspérité, sans soubresaut avec douceur et patience, étonnée et surprise d'en voir si vite la fin.

L'histoire de Xiao'e est celle de beaucoup de jeunes femmes en Chine : un village quitté pour espérer, si ce n'est une vie meilleure, tout du moins, une vie indépendante avec un travail, un lieu où dormir le soir, vivre le jour, et un amour un tant soit peu sincère pour vous accompagner…

Certes, l'histoire de Xiao'e ne se résume pas qu'à cela : elle va être confrontée à un choix crucial (a-t-elle d'ailleurs réellement le choix ? N'est-ce pas tout le poids de son enfance, de sa naissance qui va déterminer pour elle ce qu'elle devra faire ?). Ce moment décisif va la rapprocher de sa logeuse, Léna, une petite dame âgée mais encore d'une grande beauté, emplie de mystères que beaucoup souhaiteraient percer…

Ces deux-là ne se sont pas vraiment reconnues. Elles commencent par s'ignorer, se jauger, se parlent peu, ou pas, pour finir par s'apercevoir qu'elles ont en elles un même secret…

"Je ne veux pas entendre la voix du temps, car pour moi le temps est une rivière à sec où plus rien ne coule."

Je n'ai pas lu beaucoup de littérature chinoise, mais, le peu que j'ai lu, ramène toujours à une réalité bien difficile. La famille et ses lois ancestrales sont décisives et souvent intrusives et ne laissent pas toujours aux femmes la liberté de décider de leur destin.

"Une femme comme toi, chez nous, on la laisserait pourrir en terre. Qu'est-ce qu'une femme qui ne peut obéir à son homme ?"

Les hommes y sont souvent vus comme des êtres égoïstes, infantiles, que ces dames et demoiselles doivent chouchouter et entourer comme une mère poule dorloterait son unique poussin. Et tout cela pour quoi ? Se retrouver esseulée dès les premières rides venues et les petits coussinets d'amour un peu trop confortablement installés autour de ce qui fut de bien jolis attrapes-coeurs. J'ai toujours cette impression que l'homme et la femme ne vivent pas ensemble, mais l'un contre l'autre. Et malheureusement pas dans le sens collé-serré… et ce ne sont pas forcément toujours les hommes qui sont les plus maltraitants ! Oeil pour oeil, dent pour dent…

"On dirait que dans les rapports de couple, quand on se déchire, on régresse de l'état d'animal doué de sentiments à l'état de marchandises, parce que les sentiments ne sont pas plus ou moins chers, mais les marchandises le sont."

Peut-être n'ai-je pas lu les bons livres ?

Dixie39 - - 54 ans - 2 février 2018


Des femmes attachantes 6 étoiles

Zhao Xiao'e est une jeune femme bien seule. Orpheline après une enfance martyrisée, elle a suivi des études de philosophie, puis a trouvé un poste de correctrice dans une agence de presse. Sa seule ami est la rédactrice en chef Huang Weina.
C'est grâce à Weina que Xiao'e ne se retrouve pas à la rue à la fin de sa deuxième co-location. Elle demande à une vieille dame juive de louer une pièce de son magnifique appartement.
Après quelques frictions, la solitude des deux femmes va permettre un rapprochement respectueux, la jeune écoutant avec une admirative attention les conseils de l'aînée.
Car Xiao'e est jeune certes mais petite et chétive, malmenée par ses petits amis successifs, elle doute d'elle en permanence et il faudra toute la sollicitude discrète et pédagogue de la vieille dame pour lui donner confiance en elle.
Car discrète, elle l'est. Même interviewée par Weina, elle a tu son passé, son passé de femme juive russe émigrée dans cette région froide de la Chine.
"Nous avons un roman passionnant sous les yeux, mais hélas ! Nous sommes incapables de le feuilleter.
- que veux-tu, c'est elle l'auteur du roman. Elle a le droit de ne pas le publier. "

Une rencontre douloureuse et inattendue fera basculer la vie de Xiao'e. Weina sera là et partagera alors son secret, permettant à la jeune femme de s'appuyer sur elle.

Une gentille histoire d'amitié entre une vieille dame riche et solitaire et une jeune femme bien malmenée par l'existence.
Les personnages sont attachants (enfin, les femmes...), l'écriture est fluide mais malheureusement, l'intrigue trop convenue et les événements peu plausibles de la fin du roman ont gâché le plaisir que j'attendais de cette lecture.

Marvic - Normandie - 66 ans - 4 janvier 2018