L'affaire Collini
de Ferdinand von Schirach

critiqué par Ludmilla, le 4 octobre 2015
(Chaville - 69 ans)


La note:  étoiles
Mais quel peut bien être le mobile ?
Premier chapitre : la mort d’un homme tué par Collini dans sa chambre d’hôtel. Collini informe la réception « Chambre 400. Il est mort » et attend l’arrivée de la police.
Caspar Leinen est un jeune avocat et va être commis d’office à la défense de Collini.
Caspar connaissait la victime, Hans Meyer, grand-père de son meilleur ami, grand-père chez lequel il a souvent passé des vacances.
Caspar va néanmoins rester l’avocat de Collini.

Collini est un italien travaillant en Allemagne depuis plusieurs années, un homme sans histoires. L’enquête ne permet pas de découvrir son mobile. Le procès parait donc devoir se dérouler sans surprise.
Toutefois, Caspar va découvrir le mobile, mobile qui a ses origines dans le passé de l’Allemagne…

J’ai lu ce livre d’une traite.
Suite à sa parution en Allemagne, une commission d’enquête a été instituée par le ministère fédéral de la Justice.
Sujets de réflexion... 10 étoiles

Nul besoin d'écrire un pavé pour proposer un livre à la fois intelligent, intéressant et percutant. Dans l'affaire Collini, Ferdinand Von Schirach nous initie avec simplicité et efficacité aux arcanes de la justice allemande. L'écriture précise de l'auteur avocat, sans grandes envolées ni pathos particulier, nous amène à vivre un procès dont le coupable ne fait aucun doute (puisque nous "vivons", dans le premier chapitre, le meurtre de la victime, un vieil industriel) mais dont le mobile est inconnu. Il nous emmène également, sans qu'on ne le sache, visiter un passé que, j'imagine, l'Allemagne et les Allemands aimeraient bien pouvoir planquer sous leur tapis ou dans leur placard.
Et au travers de ce procès qui semble plié d'avance, avec un jeune avocat fraichement diplômé lié à la victime et défendant un coupable qui se tait, Von Schirach ouvre le débat sur un tas de questions qui dépassent largement le cadre de la fiction, de l'Allemagne et de son passé. Par exemple, à quoi sert la justice ? Quelles actions sont acceptables ou pas en temps de guerre ? Comment la justice peut-elle traiter les dossiers des "exécutants" qui obéissent aux ordres de leur supérieur ? Comment une pirouette législative peut-elle donner l'immunité ?
Et, si la Justice échouait à rendre justice, est-il alors acceptable de rendre justice soi-même ?

Si Ferdinand Von Schirach ouvre les débats, il n'apporte pas pour autant de réponse, mettant un terme (inattendu) à l'affaire Collini. Mais, petit-fils du chef des jeunesses hitlériennes, il prend position. Du côté des victimes.
Une très belle découverte.

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 3 mai 2017


Trouver le "pourquoi"... 9 étoiles

Fabrizio Collini n'a pas le profil d'un meurtrier ; un homme à la stature imposante, calme, mutique. Caspar Leinen, jeune avocat commis d'office refuse un procès expéditif, malgré l'absence de communication du prévenu. Tenté d'abandonner quand il découvre ses liens avec Hans Meyer, l'homme assassiné, il veut absolument comprendre les raisons qui ont poussé Collini à ce meurtre prémédité et bien organisé.

Si on se doute du mobile de Collini, l'auteur réussit parfaitement à nous passionner pour ces deux hommes intègres, le jeune avocat et le coupable ; les entourant de personnages tout aussi intéressants.
Alors même que le thème a été au centre de nombreux romans, il nous plonge avec originalité dans le poids du passé sur les générations allemandes, avec sobriété et une grande fluidité.
Un seul reproche, un livre qu'on aurait voulu plus long.

Marvic - Normandie - 66 ans - 28 mars 2017


Une affaire de justice allemande disséquée 9 étoiles

Ferdinand von Schirach est un professionnel de la Justice, avocat de la défense au barreau de Berlin.
« L’affaire Collini » est un cas d’école, magnifiquement mis en scène et décortiqué.

« Il se leva, se signa, quitta la chambre et gagna le rez-de-chaussée en ascenseur. Il clopinait à cause du talon manquant, les clous qui dépassaient crissaient sur le marbre. Il dit à la jeune femme de la réception d’appeler la police. Elle posa des questions, fit de grands gestes. « Chambre 400. Il est mort », Collini n’ajouta rien de plus. On pouvait lire sur le tableau électronique de la réception, à côté de lui : « 23 mai 2001, 20 heures, salle Spree : confédération des industriels allemands. »
Il s’assit sur l’un des canapés bleus de l’accueil. Le chasseur lui demanda si l’on devait lui apporter quelque chose, Collini ne répondit pas. Il fixait le sol. On pouvait suivre l’empreinte de ses chaussures dans le marbre du rez-de-chaussée, dans l’ascenseur et jusque dans la suite. Collini attendait son arrestation. Toute sa vie, il n’avait fait qu’attendre, depuis toujours, il était resté muet. »

Nous sommes en 2001. Les choses sont sans ambiguïté dès le départ du roman. Un individu, italien, nommé Fabrizio Collini a tué, massacré un peu même ( !), Hans Meyer, grand patron allemand dans sa chambre d’hôtel. Il ne cherche pas à nier mais surtout il n’explique pas. Il apparait pourtant de manière évidente qu’il doit y avoir une motivation profonde derrière cet acte. Ce sera le travail de son avocat, commis d’office, dont c’est la première affaire et qui représente clairement le héros pour Ferdinand von Schirach. Il s’agit de Caspar Leinen, vision quasi fantasmée du jeune avocat intègre et désintéressé. Ou plutôt porté par la foi de la justice et de la défense du plus faible.
Ce roman n’est donc pas une enquête quelconque. Plutôt une vision par un professionnel de ce que devrait être la justice et la manière dont elle devrait être rendue.
Par ailleurs, si cet ouvrage a eu quelque succès en Allemagne, il a dû faire grincer quelques dents puisqu’il fait référence à un passé récent qu’un peuple comme le peuple allemand doit faire tout son possible pour refouler, je suppose. Et du retentissement « L’affaire Collini » en a manifestement eu puisqu’il est précisé en dernière page :

« En Janvier 2012, quelques mois après la publication du livre en Allemagne, le ministère fédéral de la Justice a institué une commission d’enquête indépendante pour évaluer l’empreinte laissée par le passé nazi sur le ministère. Ce livre a participé à la mise en place de cette commission. »

C’est très court mais autant le savoir, quand on rentre dans ce bouquin on n’en sort qu’après l’avoir terminé. Littéralement !

Tistou - - 68 ans - 3 mars 2017


Il y a 70 ans... et encore aujourd'hui ! 7 étoiles

L'affaire Collini aborde un sujet grave : les crimes de guerre doivent-ils être en partie absous ? L'exécutant peut-il reporter sa faute sur le commanditaire et retrouver ainsi une virginité morale ?
Le sujet est toujours aussi brûlant en Allemagne où la parution de ce livre a provoqué des remous jusque dans la sphère politique.

Quant au roman à proprement parler, il se lit d'une traite (150 pages à peine). Un style un peu facile, sans éclat et avec des rebondissements qui s'emboîtent parfois un peu trop bien.
Je n'ai donc pas été conquis mais cela n'enlève rien à la qualité des idées véhiculées.

Monocle - tournai - 64 ans - 15 janvier 2016


ATTENTION LIVRE DANGEREUX!... 10 étoiles

Je ne reviendrai pas sur l’histoire du livre déjà décrite dans les critiques précédentes et qui ressort d’ailleurs d’une trame et d’un thème assez classique, et déjà maintes fois utilisé.
On a ici un très court mais très dense roman, de Ferdinand Von SCHIRACH (qui est aussi rappelons-le avocat de la défense au barreau de Berlin) dans lequel l’auteur nous surprend une fois de plus par sa connaissance du droit et de la justice qui semblent être sans failles et sans limites,..

Heureusement pour nous, l’auteur « nous prend par la main », pour nous faire découvrir les tours et détours de la justice allemande. Il nous expose les lois et les textes juridiques d’une façon limpide, ainsi que tous les petits détails qui entourent le procès, de la robe des avocats (que l’on peut carrément louer au tribunal !) aux « arrangements » entre parties en vue de raccourcir le procès, en passant par les procédures du greffe et autres salles de repos des avocats…

Ce n’est pas un polar, un roman, pas non plus un documentaire, ni une autobiographie (bien que cela « transpire » le vécu à chaque page !), ni un essai journalistique. C’est juste un récit, écrit de façon simple et très facile à lire (le livre fait 178 pages dans l’édition de poche et se lit en quelques heures…), se déroulant en Allemagne en juin 2001, et mettant celle-ci, et surtout la justice de celle-ci, face à face avec son passé récent !...

Et ce n’est pas quelques longueurs, dans un roman mené d’autre part tambour battant, et où les surprises et les retournements de situations se suivent et ne se ressemblent pas, et la fin que j’ai trouvée un peu trop précipitée qui me feront changer d’avis quant au fait que ce livre est une véritable pépite !...

Attention, ce livre est très dangereux ! Une fois que vous l’aurez commencé, vous ne pourrez plus le lâcher avant la fin, vous oublierez tout le reste !...

Septularisen - - - ans - 9 novembre 2015


Le procès 10 étoiles

Meurtre ou assassinat ? Voilà LA question !

Le petit Larousse définit le premier comme «action de tuer volontairement un être humain» et le second comme «meurtre commis avec préméditation».

Même si le résultat est le même puisque Hans Meyer est bien mort et que Collini ne fournit aucune autre explication que ce simple et froid constat, la production d’un mobile, par son sympathique jeune avocat, changerait nécessairement la donne pour lui.

L’auteur, inscrit lui aussi au Barreau de Berlin, ceci expliquant cela, dénoue petit à petit et de main de maître (…) le fil rouge de cette énigme magistrale à couper le souffle et nous entraîne dans les arcanes d’un procès en Cour d’Assises.

En tournant la dernière page de ce «roman» (que je qualifierais peut-être abusivement de «docu-fiction», pour un livre…) et seulement à ce moment là, vous comprendrez à quel point le distinguo évoqué plus haut a d’importance, certes, pour l’épilogue de cet ouvrage que le lecteur n’est pas prêt d’oublier ; mais aussi, sur le plan plus général de l’Histoire.

Comme Ludmilla, je l’ai lu d’une seule traite et vous invite simplement à en faire autant !

Isis - Chaville - 79 ans - 20 octobre 2015