L'arbre qui glapit
de Françoise Cliche

critiqué par Libris québécis, le 3 septembre 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Des retraités québécois au Guatemala
Des retraités québécois se rendent au Guatemala dans le cadre d’un projet d’aide internationale. Ces âmes bien intentionnées vivront pendant un mois dans un de ces pays en émergence, comme les désigne la litote pour édulcorer la grande misère qui y sévit. Ce sont des coopérants fort mal préparés, voire même inaptes, qui participent à l’agrandissement d’une école.

Le groupe est confié à Conrad, un padre engagé dans le développement d’un pays appelé à résoudre des problèmes reliés à l’alphabétisation, la corruption, l’exploitation des enfants et le brigandage. Le narrateur Roméo Morin est d’ailleurs victime d’un vol, qui a causé la mort d’un enfant de sept ans. Le projet de construction est relayé au second plan par cet élément déclencheur sur lequel repose le dénouement.

Le roman trace les états d’âme de ce plombier grincheux que tout indispose, y compris le marimba auquel le titre fait allusion. Construit en particulier avec du bois de rose, ce xylophone typique au pays émet un son glapissant qui le rend fou. Émotif et vulnérable, le héros ne parvient pas à faire le ménage dans ses sentiments. Ses rapports à autrui et aux choses n’empruntent que le mode du ronchonnement. Heureusement, il s’est doté d’un phare en mariant Marie Veilleux. Incompris pendant son enfance, il porte un amour puéril à cette femme aimante, dont il se sent indigne. À ses yeux, elle est si parfaite qu’il ne peut que l’honorer d’une dévotion presque sacrée.

Les traits excessifs du héros nuisent à la crédibilité du portrait. Sa figure domine au détriment du bénévolat dans un pays, dont on apprend peu de choses, hormis la menace constante des volcans, les hippies de la seconde version et le quetzal, oiseau emblème des Mayas. Quant à la situation sociale, l’auteure a réchauffé les informations que véhiculent les médias.

Il aurait été nécessaire de resserrer la trame pour éviter l’éparpillement. Le roman se présente comme une enfilade de petites nouvelles, souvent touristiques, qui nous transportent dans une quincaillerie ou dans une communauté de moines modernes. Tout déplacement s’effectue au plus grand déplaisir de Roméo, un rabat-joie que l’éditeur décrit comme un homme taciturne. Bien au contraire, il a l’âme d’une pimbêche pleurnicharde, qui dénigre tous et chacun à l’exception du clergé qu’il vénère.

L’écriture emberlificotée n’est d’aucun secours pour rehausser ce roman, empreint de l’esprit d’une époque, qui confiait les emplettes aux femmes : « Mais tout cela constitue des astuces de femmes, à faire entre femmes. Il fallait un homme pour les problèmes les plus graves…» Et l'esprit colonisateur de l'oeuvre en fera sursauter plus d’un : « Nous, les Nord-américains, sommes vraiment, vraiment formidables. Il faut voir comme la Terre tourne bien grâce à nous. »

Il est préférable de parcourir Le Livre de la jungle d’Annie Laliberté pour se faire une idée plus juste du Guatemala. Le roman de Françoise Cliche n'est presque d'aucun intérêt.