Monsieur Ouine
de Georges Bernanos

critiqué par Lobe, le 8 août 2015
(Vaud - 30 ans)


La note:  étoiles
La littérature estomaquante
"Bernanos (Georges) Paris 1888 Neuilly sur Seine 1948, écrivain français. Catholique déchiré entre le mysticisme et la révolte, il combat dans ses romans, ses essais et son unique pièce de théâtre la médiocrité et l'indifférence." Larousse 2006

Dans une paroisse au nom végétal, un garçon à la lisière de l'adolescence rebellée suit une dame un peu folle et mal troussée hors de la propriété maternelle. C'est le début d'un roman halluciné, qui procède d'ellipses en non-dits, se carapatant d'un personnage à l'autre. Dans cette galerie grinçante de figures troubles et troublées - le maire à l'odorat hypertrophié, le curé ébranlé de bonne foi, le vieillard droit dans ses bottes orgueilleuses et son gendre braconneur suicidé par le destin - se distingue Monsieur Ouine dont la présence mortifère, podagre, doucereuse, insaisissable, infuse tout le roman.

Sous son influence inactive, car Bernanos voit dans le froid de l'ennui la forme de l'enfer, la paroisse va se dissoudre, imbibée de maléfice, prise dans les ficelles d'un mal qui progresse par à-coups; à l'image d'un livre où se juxtaposent des scènettes mystérieuses, épileptiques et exsangues.

Si cette description vous interroge et que vous n'y entendez pas grand chose, j'esquive en disant que c'est dans cet état que m'a mis Moinsieur Ouine. J'ai lu en essayant d'ordonner cette critique qu'il était le sommet de l'art bernanosien, et donc légitimement perclus de rage, d'inconnu, d'absolu sans absolution. Comme déjà l'an passé avec Journal d'un curé de campagne, j'ai beau fermer le livre, le voilà qui stagne en moi, me laisse le coeur rompu, un peu hagarde, ébranlée par le chassé-croisé des vies effarées, estomaquée de tout ce que je n'ai pas saisi. Monsieur Ouine a gagné.