Les Arméniens - histoire d'un génocide
de Yves Ternon

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 28 juillet 2015
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Le martyre d'un peuple chrétien
Le 15 septembre 1915, le gouvernement ottoman de Turquie émet un avis affiché dans toutes les préfectures du pays : « Le gouvernement a décidé d'exterminer entièrement tous les Arméniens habitant en Turquie, sans égard pour les femmes, les enfants, les infirmes, et sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence » !
Et le 1er janvier 1917, le gouvernement ottoman pouvait proclamer fièrement : « le peuple arménien a cessé d'exister » !

L'histoire de ce génocide est racontée dans ce beau livre, recommandé par Shelton dans son excellente rubrique « l'été c'est fait pour lire - 2015 » ; il a été publié en 1977 par un des plus grands spécialistes de la question arménienne ; il raconte par le menu tout se qui se rapporte au génocide.

Mais avant, il nous raconte quelle a été l'Histoire de ce peuple venu des lointaines steppes de l'extrême ouest sibérien. Il nous situe l'importance stratégique de leur pays, l'Arménie, situé au carrefour de la Géorgie, du Kurdistan de la Perse et du Proche Orient. Cette partie du livre est assez courte mais très instructive.
Puis l'auteur passe au génocide proprement dit et on s'étonne de voir, qu'en fait, ce peuple a toujours été persécuté sous l'Empire ottoman, qu'on s'imagine si clément, si tolérant et si ouvert à toutes les religions.

Ce récit du génocide est un peu laborieux, il faut le dire, parce qu'il est assez répétitif.
Mais c'est dû aux faits ; le procédé du génocide n'a jamais beaucoup varié : au début, l'armée turque investit une ville ou un village, déporte toute la population arménienne et s'empare de tous ses biens. Et, lors de la déportation, ce sont plus particulièrement les Kurdes, présentés ici comme une bande de pillards, qui tuent, violent, coupent en morceaux les enfants ou les revendent avec les jeunes femmes sur les marchés... Et les survivants sont jetés dans l'Euphrate et dans le Tigre par l'armée turque ; et ils sont si nombreux que les paysans de Mésopotamie se plaignent que l'eau devient inutilisable pour les cultures... Et puis, bientôt, pour accélérer les choses, on ne déporte plus, on massacre sur place.
Ces récits de tant de cruautés sont, à la longue, un peu fastidieux mais je crois qu'il faut s'efforcer de les lire jusqu'au bout, par respect et compassion pour ce peuple chrétien et martyr, qui avait le tort d'être hautement civilisé au milieu d'un pays de barbares.

Ensuite l'auteur explique l'attitude des grandes puissances, qui observaient, qui savaient tout, et qui laissaient faire. Il examine en particulier, le rôle de l'Allemagne qui, alors, était l'alliée de la Turquie et le rôle de la Russie qui était dans l'autre camp, mais où résidait un certain nombre d'Arméniens.
Cette partie du livre est passionnante ; l'auteur y fait de nombreuses digressions extrêmement intéressantes ; il explique, entre autre, que le mythe du pan-turquisme s'est inspiré de l'idéologie du pan-germanisme et devait aboutir nécessairement à l'élimination des peuples « gênants ». (Je pense qu'actuellement les Kurdes en feront bientôt les frais).

Ce livre est aussi une page d'Histoire assez extraordinaire, qui a vu la Turquie passer de l'Empire ottoman défunt, à la Turquie de Mustapha Kemal, avec la guerre des Dardanelles et le partage de l'Empire ottoman par les puissances européennes.

Cependant il ne faut pas s'y tromper : ce livre est avant tout un plaidoyer pour une reconnaissance du génocide arménien, par tous les pays, et particulièrement par la Turquie actuelle. Et, à mon humble avis, l'auteur a tout à fait raison : sans une reconnaissance du génocide arménien, la Turquie n'obtiendra jamais le pardon de sa faute, ni n'accédera jamais au rang des nations civilisées du monde.

Cent ans après, voici un livre pétri d'une actualité brûlante et qui laissera à ses lecteurs une impression indélébile.
Ce que Ternon ne dit pas sur le sujet 5 étoiles

:///www.histoirecritiquedugenocidearmenien.blogspo…

Ternon écrit parfois comme un avocat, un historien doit rester en démarcation sur son objet d'étude. Même si ceci peut déranger, comme pour le cas du génocide arménien.

Trapèze - - 50 ans - 28 septembre 2015