Raymond Pin : vingt ans dans la forêt
de Michel Damien, Raymond Pin

critiqué par CCRIDER, le 27 janvier 2004
(OTHIS - 76 ans)


La note:  étoiles
Un témoignage bouleversant
Tout le monde connaît les SDF qui survivent comme ils peuvent dans nos villes , sur les bouches de métro , ou dans les cabines de téléphone . En général , le passant détourne le regard sur cette honte de notre si prospère société . Mais pratiquement personne ne connait l'existence des sans-abris de la campagne . Michel Damien a eu le mérite de donner la parole à l'un d'entre eux , Raymond Pin qui a réellement passé vingt ans dans la forêt .
Avec des bouts de planches , de tôles et tout ce qu'il peut trouver dans les décharges publiques , il se construit une cabane . Il ne parle pratiquement à personne . Il mange ce qu'il peut trouver dans la forêt , des mûres , des champignons , des châtaignes . En hiver , il a si froid , qu'il entretient son feu en permanence .
Et bien qu'il ne gène personne , le maire de la localité ( honte sur lui !) ordonne son expulsion et fait même brûler sa cabane et tous ses pauvres biens . Et il se retrouve repoussé plus loin dans la forêt , sur le territoire d'une autre commune . Voilà le récit tristement véridique d'une aventure hallucinante à deux pas de chez nous puisqu'il s'agit de la forêt de Fontainebleau !
Ce livre m'a beaucoup frappé car la personnalité de Raymond Pin a quelque chose d'extraordinaire . Dans sa phénoménale pauvreté et le monstrueux abandon de sa solitude abyssale , il garde un amour de la vie , une sérénité , une grandeur d'âme , une sorte de bonté ou de candeur intrinsèque .
Pour nous tous , la leçon d'un simple .
Seul au monde. 10 étoiles

Ce livre n'est pas un manuel de survie à l'usage des survivalistes, même si dans le milieu Raymond PIN fait bonne figure et sert d'exemple de ce qu'un homme, seul face aux éléments peut endurer et subir.
C'est l'histoire d'un homme que les siens ont abandonné, délaissé et accablé.
Orphelin placé dans un orphelinat, PIN va y subir les affres de ce milieu à cette époque. Des brimades, l'exclusion, les corvées, bien peu d'espoir de croire en un avenir radieux.
L'armée, l'Indochine, la mort qui rôde mais qui épargne Raymond, même quand il est atteint de la tuberculose et restera 5 ans en hôpital ou sanatorium, le chômage, les petits hôtels et la rue avant la forêt.
Un beau jour un camion municipal vient déloger Raymond et l'emmène à l'orée des bois, à peine croyable de nos jours qu'une municipalité évince un homme pour l'abandonner dans les bois.
Raymond PIN prend acte stoïquement.
Il s'installe, construit un abri de bric et de broc. Survit en toute indépendance, se nourrissant de presque rien, faisant flèches de tout bois.
Bientôt il va être heurté de plein fouet par la méchanceté, l'ignorance vile.
Des chasseurs vont mettre le feu à sa cabane sous le prétexte qu'il gène le bien être du gibier.
Plein d'abnégation, Raymond va reconstruire un peu plus loin une autre cabane et continuer sa vie.
Les rejets incompréhensibles de la mairie de Nemours quant à l'aide qu'elle pourrait apporter à Raymond, l'hostilité de la Croix-Rouge, le regard acerbe du député maire, les rivalités entre nécessiteux.
Tout cela est évoqué par Raymond qui vivote dans sa cabane près de Darvault.
La récupération des métaux, des aliments jetés par les magasins, la lutte pour récupérer les aliments en fin de marché, mais là aussi la concurrence est rude.
Le froid des hivers interminables, les maux de dents qui durent des semaines, le silence de plomb de l'administration qui lui doit une pension d'invalidité.
Au fil du livre on voit un homme simple, qui accepte trop son destin de manière humble.
Malgré cela il y a toujours des hommes qui l'accablent, avec leur malin plaisir de nantis.
Raymond n'a de cesse de se dire chrétien et de ne jamais jeter la pierre à la face du destin ou de ses oppresseurs.
C'est un témoignage fort, mais malgré la dureté du récit, qui peut comprendre qu'un homme reste 20 ans seul en pleine forêt à quelques encablures d'un ville de 10 000 habitants ?
Qui peut comprendre la solitude durant ces 20 ans ?
Ce qui m'a surpris c'est que Raymond n'éprouve ni haine, ni jalousie, ni revanche à l'égard de quiconque et cela est déstabilisant, une grande sagesse ou une grande résignation, je ne sais.
Ce qui m'a touché c'est que je connais la forêt où vécut Raymond, je m'y promène, je vois ce qu'il a vu.
Je vais faire des recherches pour savoir si Raymond est toujours vivant, il aurait 85 ans, ce qui n'est pas impossible.
C'est encore une fois la vie extraordinaire d'un homme ordinaire, une leçon de courage car comme dit Raymond même dans les situations les plus désespérées il y a un espoir, une lueur. Bouleversant.

Hexagone - - 53 ans - 4 août 2013