Ouvert la nuit
de Paul Morand

critiqué par Vince92, le 8 mars 2016
(Zürich - 46 ans)


La note:  étoiles
Séduction de la classe dominante
Ce sont huit nouvelles réunies dans ce recueil au titre pour le moins étrange, publié à l’origine en 1922, qui ont toutes en commun ce qui semble être la préoccupation majeure de l’auteur, à savoir le commerce avec les femmes, les relations amoureuses et l’étude de leur comportement sous les différentes latitudes. C’est ainsi que ces huit nouvelles (six à l’origine apprend-on sur internet, La nuit dalmate et La nuit écossaise ne faisant pas partie du recueil initial mais ont été ajoutées par la suite) transportent le lecteur d’un point à l’autre de l’Europe et lui font rencontrer des femmes dont le narrateur (sans qu’on sache toujours s’il s’agit de Morand lui-même) essaiera toujours de tirer un avantage.
D’Istanbul à Barcelone, de Perth en Ecosse à Raguse sur la côte dalmate, nous faisons la connaissance de ces femmes, toujours exceptionnelles, intrigantes et inattendues qui soudain attirent l’attention du narrateur ou sont de vieilles connaissances. Ce dernier, tombé sous le charme de ces créatures n’a jamais la chance de pouvoir concrétiser sa démarche de séduction, et d’ailleurs, il n’est pas sûr que c’est ce qu’il veuille vraiment... l’amour de la séduction, la « chasse » semble être ce qui le motive au premier chef.
Je n’avais pas apprécié les premières nouvelles de Morand, Tendres stocks, déjà tournées vers ce thème... mon sentiment envers ces huit nouvelles est plus contrasté : certains de ces récits sont en effet tout à fait édifiants, je pense en particulier à La nuit turque, charmants (La nuit écossaise, La nuit nordique, la nuit des Six Jours), d’autres insignifiants (La nuit catalane, la nuit hongroise) ou dérangeants (La nuit dalmate). Toujours cependant, ils se distinguent par leur grand niveau d’écriture... ce sont parfois de simples anecdotes mais Morand fait un beau travail de style dans la description de ces exercices de séduction, travail dont le lecteur a l’impression qu’il ne lui demande pas d’effort particulier... ce qu’on appelle le talent. Cette impression vient de la manière qu’a Morand d’instiller comme un détachement, une sorte de hauteur de vue, certains diraient une morgue, dans la relation de ces petites histoires dont beaucoup n’oseraient pas relater le déroulement.
Mais revenons à l’esprit qui anime ces nouvelles, ce détachement qui est la marque de Morand, il est parfois tout à fait insupportable pour le lecteur car le signe d’une supériorité que l’auteur veut être due au talent mais qui est sûrement le signe d’une domination de classe. Le train de vie, la culture, la langue, tout est mis en œuvre pour affirmer cette domination du narrateur sur les personnages des nouvelles et, de là, sur le lecteur qui mesure ainsi la distance qui le sépare d’un monde auquel il n’aura jamais accès. D’une part car il est révolu, d’autre part parce qu’il n’a pas le privilège d’appartenir à l’oligarchie de l’époque.

Le recueil se compose des nouvelles suivantes :

- La nuit catalane
- La nuit turque
- La nuit écossaise
- La nuit romaine
- La nuit des Six Jours
- La nuit hongroise
- La nuit dalmate
- La nuit nordique