La route de Beit Zera
de Hubert Mingarelli

critiqué par Tistou, le 3 juillet 2015
( - 68 ans)


La note:  étoiles
En Palestine
Hubert Mingarelli a dérogé à son modus operandi (ou du moins une partie) ! Ca fait de « la route de Beit Zera » un roman un peu à part dans sa production. Ca en fait accessoirement aussi une petite merveille …
Qu’a-t-il changé de son modus operandi me direz-vous ?
Ce qui n’a pas changé, c’est sa façon d’entomologiste des âmes, sa façon de disséquer des êtres, leurs attitudes, d’anticiper leurs sentiments ou leurs ressentis d’une manière telle qu’elle vous fait ralentir votre lecture, comme pour revenir en arrière pour vérifier qu’il a bien tout pris en compte et n’a rien oublié. C’est hallucinant de justesse et de précision ! Comme d’habitude. Non, tout ceci n’a pas changé.
Homme/homme. Pas changé là non plus, il n’est quasi question que d’hommes, tout juste si la mère d’Amghar un moment prend existence dans le roman. Cela dit, un des trois héros, quasi à égalité, est la chienne de Stepan. Oui, une chienne.
Ce qui a changé, c’est un enracinement de l’histoire dans le temps, entre le fait initial qui a brisé quelque part la vie de Stepan, obligeant Yankel, son fils, à fuir en Nouvelle – Zélande, si loin d’Israël, et maintenant. Entre cette cassure initiale donc et le long laps de temps qui couvre les « visites » d’Amghar à Stepan, ou plutôt à la chienne, Hubert Mingarelli pour la première fois me semble-t-il s’installe réellement dans le temps et lui en donne. Du temps. Au temps.
Israël … Palestine parle mieux je trouve. Ce genre d’espace où tentent de cohabiter arabes et colons juifs. Nous sommes près du village de Beit Zera. Stepan, israélien, vit seul depuis que Yankel, son fils, a dû s’enfuir et s’exiler en Nouvelle-Zélande. Depuis, en dehors des visites de son ami de régiment, Samuelson, qui l’aide à survivre en lui procurant un petit travail d’assemblage de boîtes en carton et qui lui fait ses courses une fois de temps en temps, Stepan vit en ermite avec sa chienne. Sauf que, surgit un jour de la forêt Amghar, petite garçon arabe, mutique, qui vient pour caresser d’abord puis promener la chienne. La solitude de Stepan et de sa chienne est donc rompue à intervalles réguliers et imprévisibles par les passages d’Amghar et de Samuelson … Mais la vie, même d’une chienne, n’est pas éternelle …
Pourquoi Yankel a-t-il dû fuir ? Qui est Amghar ? Comment cela peut-il finir ? Je vous invite à faire la lecture de « la route de Beit Zera » et de vous laisser traverser par cette façon tellement humaine qu’a Hubert Mingarelli à pouvoir aborder l’innommable, ce que le citoyen lambda du monde d’aujourd’hui ne peut comprendre (et surtout pourquoi on en est arrivé là, là-bas …).
Un Hubert Mingarelli particulièrement inspiré et précieux.