Le Syndrome du pire
de Christoffer Carlsson

critiqué par Ellane92, le 22 juin 2015
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
l'autre côté de la Suède
Leo Junker est un policier, en arrêt après une bavure. Sa mission d'infiltration aux affaires internes s'est soldée par un fiasco, et il a été lâché par sa hiérarchie. Rongé par la culpabilité, attendant une possible réintégration, il se traîne entre son appartement et le BAR, un endroit où l'absinthe coule à flot au milieu de nulle part. Il se remémore son adolescence à Salem, dans la banlieue de Stockholm, et son étrange rencontre avec le non moins étrange Grim.
Une nuit, Léo est réveillé par les lumières des gyrophares de la police. Une jeune prostituée toxicomane qui fréquentait le foyer situé dans son immeuble est retrouvée morte dans un lit, abattue d'une balle dans la tête. C'est un meurtre étrange au vu du profil de la morte. Perdu entre les médicaments qu'il prend et l'absinthe qu'il boit, Léo sent bien que quelque chose le turlupine dans ce meurtre. D'ailleurs, quel était cet objet qui brillait dans les mains de la morte ?

Bien plus qu'un roman policier ou un thriller, Le syndrome du pire est avant tout un roman noir au rythme hypnotique, construit avec beaucoup de maîtrise par Cristoffer Carlsson. La Suède que l'on cite régulièrement en exemple aux informations (pays démocratique, prix de l'excellence, etc) en prend pour son grade, entre ses quartiers peu reluisants et sa misère sociale.
Le récit alterne entre l'enquête menée par Leo concernant le meurtre de la prostituée et son adolescence à Salem, banlieue pauvre et "difficile". La grande force de ce livre, de mon point de vue, consiste à nous immerger dans le quotidien d'un jeune garçon, ni pire ni meilleur que les autres au vu des conditions pas simples dans lesquelles il vit, et de nous montrer, par son regard, comment un autre jeune homme, un type étrange mais sympathique, va petit à petit commencer la dégringolade qui va le faire déraper à un moment donné de l'autre côté de la raison, et ce de façon franchement crédible (Carlsson n'est pas diplômé en criminologie pour rien). Sans effet sanguinolents, sans trash, avec une histoire racontée au présent de l'indicatif et au je narratif, Le syndrome du pire nous invite à patauger en même temps que Leo dans une histoire sombre et boueuse, à tâtonner, à comprendre petit à petit de quoi cette histoire retourne, avec un suspense qui augmente graduellement.
Ce livre, qui prend son temps et tire son originalité non de l'histoire en elle-même (on voit bien où l'auteur nous emmène) mais de la façon dont on construit des criminels, est une vraie belle découverte.

Le problème quand on essaie d'être invisible, c'est que l'effort que cela requiert est si manifeste qu'il devient criant.