Catharsis
de Luz

critiqué par Ndeprez, le 5 juin 2015
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Comme un pansement
Luz qui fut sauvé de l'attaque de Charlie par une gueule de bois ,Luz que l'on a vu se marrer lors du défilé du 11 Janvier grâce à un pigeon se soulageant sur le président, Luz que l'on a vu dans les bras de Madonna , Luz qui quitte Charlie
Luz qui règle ses comptes mais aussi Luz qui dessine....
Mieux que des interviews, en quelques dessins , l'auteur explique son point de vue , sa détresse , son malheur et son goût indéfectible pour le dessin.
Parfois très personnel , proche de l'intime on ne pourra qu'être ému devant certaines planches (celle où il parle à la tombe de Charb est vraiment émouvante).
Certains verront peut-être une volonté de faire de l'argent sur un évènement , ou une forme de voyeurisme , j'y vois pour ma part les premiers pas sur le chemin de la résilience.
Dessiner pour ne pas sombrer 8 étoiles

Un peu par hasard, j’ai lu cette BD une semaine après les attentats du 13 novembre. Ce qui ajoutait une dimension supplémentaire à ma lecture dans la mesure où la sidération était revenue, la même quasiment que celle que j’avais ressenti en début d’année. Et si l’on peine à réaliser l’impensable, comment alors rire avec l’impensable ? Comme tous ses amis de Charlie Hebdo, Luz était convaincu qu’on pouvait rire de tout. Il était donc logique, après avoir retrouvé son « ami » (le dessin), qu’il réalise cet ouvrage, à défaut de réaliser ce qui lui tombait sur le nez. Mais cette fois, le rire a jauni et perdu quelques éclats dans cette immonde tuerie. Minimaliste comme toujours, son dessin est devenu à la fois plus fragile et plus rageur, et s’il a conservé sa causticité, il semble néanmoins amputé de l’hilarante bonhommie qui le caractérisait. Comment pourrait-il en être autrement ?

« Catharsis » commence par cette même sidération, celle de cent paires d’yeux exorbités devant l’atrocité, réponse en dessin de Luz au question du flic, la seule dont il était capable au lendemain de la tuerie. Puis se poursuit dans un humour très noir, avec un clin d’œil aux « Idées noires » de Franquin, ce qui en dit long sur l’état psychologique de l’ami Luz. Mais ce dernier prouve que l’humour reste un excellent exutoire, lorsqu’il décide de baptiser « Ginette » sa boule au ventre, cette excroissance comme une entité autonome et indomptable faisant de lui une sorte de mutant. Et puis il y a aussi ces deux silhouettes noires de djihadistes déboulant au coin de la rue en tirant des salves de kalach, puis enchaînant une sorte de danse macabre qui viendra nous hanter jusqu’à la fin de l’ouvrage. C’est souvent désespéré avec toutefois de beaux moments d’émotion et de poésie, ainsi qu’une petite note d’espoir en conclusion. Des pages réalisées dans l’urgence qu’on pourrait qualifier d’acte de survie d’un dessinateur satirique ayant échappé à la folie religieuse en ce début de XXIe siècle.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 17 décembre 2015