Les vacances de Maigret
de Georges Simenon

critiqué par Féline, le 21 janvier 2004
(Binche - 46 ans)


La note:  étoiles
Pas de repos pour le commissaire
Le commissaire Maigret se décide enfin, au plus grand bonheur de sa femme, à prendre des vacances. Ils se rendent donc aux Sables, petite station balnéaire familiale.
Mais à peine arrivé, Madame Maigret se plaint de douleur au ventre. Crise d'appendicite aiguë : c'est l'hospitalisation. Maigret s'enferre alors dans une routine à l'horaire minutieux, de bars en tavernes, pour boire un p'tit blanc, en attendant le coup de fil de 11h à la clinique où Soeur Marie des Anges lui répond invariablement que "notre chère malade va de mieux en mieux" et la visite de 15h sonnante.
Dans l'ambiance feutrée, religieuse et féminine de la clinique, le commissaire se sent pour le moins déplacé, jusqu'au jour où il découvre un petit mot glissé dans sa poche : "Par pitié, demandez à voir la malade du 15".

Intrigué, Maigret décide de s'informer. Mais le lendemain, la patiente, jeune fille, belle-soeur du docteur local, victime d'un accident de voiture en compagnie de ce dernier, est décédée. Commence alors un jeu du chat et de la souris entre le célèbre limier du Quai des Orfèvres et le docteur Bellamy, homme influent dans la région.

C'est le premier Maigret que je lis et les critiques élogieuses faites à son égard me semblent pleinement justifiées. Simenon installe le lecteur dans une atmosphère qu'il excelle à décrire, celle d'une petite station balnéaire, où le temps semble s'être arrêté, où tous le monde se connaît et où Maigret est perçu soit comme l'étranger fouineur soit comme le héros parisien. Les personnages hauts en couleurs sont plus vrais que nature.
J'ai beaucoup apprécié cette enquête mais je préfère quand même le Simenon du "Bourgmestre de Furnes", du "Chat" et des "Fantômes du Chapelier".
Maigret : alcoolo ou pas ? 9 étoiles

Alors que le couple Maigret est en vacances aux Sables-d’Olonne, madame doit être hospitalisée d’urgence. C’est dans une clinique tenue par des religieuses que notre bon commissaire reçoit l’autorisation de pouvoir rendre visite à son épouse durant une demi-heure par jour, pas plus. Dans la chambre numéro 15 voisine, une jeune femme va mourir. Maigret trouve dans sa poche un billet demandant, par pitié de venir d’urgence dans la chambre 15 mais il est déjà trop tard. Bien que n’étant pas sur son territoire et de surcroît en vacances, le commissaire ne peut s’empêcher d’enquêter dans son coin …

Il s’agit là d’une bien triste histoire résultant d’une jalousie exacerbée (à prononcer à la manière de Georges Simenon : exacerbéééyye)

Se lit, comme d’hab’, avec délice. Mais surtout on est amené à se poser cette question cruciale : au fond, Maigret ne serait-il pas un vrai alcoolique ? Car l’on sait que l’écart entre l’alcoolisme mondain et l’alcoolisme notoire est souvent bien ténu. A vous de vous en faire une idée avec ce qui suit.


Extraits :

- Ainsi que les jours précédents, il avait beaucoup bu. Pas par sa faute. Pas consciemment. Parce que sa vie aux sables s’était organisée ainsi.

- « - Un petit coup de blanc, commissaire ? »
Le premier de la journée. Le coup de blanc du patron.

- Il suivit le trottoir, tourna à gauche, finit par entrer dans un bar où il n’avait pas encore mis les pieds et qui allait probablement s’ajouter à sa collections de relais quotidiens.

- Tout le matin, en faisant son tour de piste quotidien, de bistrot en bistrot, il enragea un petit peu, et c’était aux bonnes sœurs qu’il en avait.

- Il but un apéritif, au lieu du vin blanc habituel. Puis comme Mansuy insistait pour offrir une tournée, il en but un second. Cela venait s’ajouter à tous les vins blancs de la journée.

- M. Léonard remplissait deux petits verres de calvados. Ce que Maigret pouvait vider de petits verres et avaler de vins blanc depuis quelques jours ! Pourtant, il n’était pas ivre.

- J’aurais pu être chirurgien, moi aussi, pensa-t-il. Et posséder une voiture comme celle-là. Probablement pas chirurgien, mais c’est un fait qu’il avait failli être médecin, qu’il avait commencé ses études de médecine, qu’il en avait parfois la nostalgie. Si son père n’était pas mort trois ans trop tôt …

- Si vous dites cela, c’est que vous n’y connaissez rien. Il était amoureux d’elle, comprenez-vous ? Il ne la connaissait même pas ! Il ne pouvait pas l’aimer. Ce qu’il aimait, c’était une femme. Une autre aurait pu jouer le même rôle.

°°°°

Il a été tiré de ce roman un téléfilm avec Bruno Crémer :
https://www.youtube.com/watch?v=OaumKg5W7UM

Catinus - Liège - 73 ans - 20 janvier 2015


Une curieuse enquête 8 étoiles

Comme l'ont souligné les critiques précédentes, Maigret, en vacances, mène son enquête hors des sentiers traditionnels. Même si cela l'irrite parfois, il utilise à plein sa grande réputation et fait parfois passer pour des quasi-demeurés les policiers locaux, chargés, eux, de l'enquête officielle. Ceci dit, il ne s'agit pas ici d'un des grands ouvrages de Simenon. Si, comme toujours, les personnages, surtout les secondaires, sont dessinés en quelques lignes avec un étonnant réalisme, l'analyse psychologique et sociologique reste assez sommaire et la conduite de l'enquête assez frustre. Le lecteur anticipe un peu trop rapidement l'identité du coupable et cela nuit à l'intérêt. Par contre la patte de l'écrivain se révèle en de nombreuses circonstances et la lecture reste un vrai délice. J'ajoute que, curieusement, la seconde adaptation à la télévision (Pierre Joassin avec Bruno Cremer, 1995) ne conserve du roman que le titre et la situation de vacances. Le scénario et l'endroit (la Côte d'Azur) relèvent des seuls producteurs et réalisateur. Il y a là une sorte de trahison de l'auteur, malheureusement assez fréquente à la télévision, qui révèle les curieuses moeurs de ce petit monde.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 3 janvier 2015


Maigret et le psychopathe 8 étoiles

Un homme « normal » en vacances, ça se repose, Maigret, non. Jamais en vacances, celui-là ! Il suffit qu’il visite son épouse alitée dans une clinique pour qu’il sente l’anormal, pour qu’il piste, pour qu’il cherche, pour qu’il découvre une vérité cachée.

Sa confrontation avec un tueur psychopathe est bien dans la veine de Simenon : Maigret interroge, l’air de rien, patelin. Son adversaire feint d’être sûr de lui, se dérobe, joue les notables, plaide la maladie, la folie d’une autre. Serré de près, il tuera encore, pour se protéger, au grand dam du commissaire qui n’a pas vu venir le coup et laissera une enfant se faire tordre le coup. Une enfant de pauvre, une qui n’avait rien demandé mais qui a eu la malchance de voir. Le notable se décomposera en finale, nouveau jouet malade entre les mains d’un Maigret même pas haineux. Très belle scène entre un juge d’instruction ami du psychopathe, une amitié de classe, un juge qui défend son camarade d’extraction bourgeoise, et un Maigret compréhensif mais impitoyable.

La version télé, starring Jean Richard, a été tournée à Saint-Martin de Ré. Une toute petite ville dans laquelle j’ai traîné longtemps mes guêtres, prenant un café à l’hôtel des Colonnes comme lui, me demandant qui possédait cette belle demeure bourgeoise flanquée de canons à son huis, sise sur le port. La demeure du monstre.

Noir de Polars - PARIS - 56 ans - 12 novembre 2011