La question d'Orient
de Jacques Frémeaux

critiqué par Colen8, le 16 mai 2015
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Rivalités sans fin entre des empires
Deux mille ans après les conquêtes d’Alexandre, la même zone devient le théâtre de la question d’Orient. De la fin du règne de Louis XV jusqu’aux printemps arabes, au fil d’une histoire tourmentée dans laquelle les empires se combattent sans cesse en tous lieux, sur terre et en mer, on voit se dessiner les lignes stratégiques conduisant les puissances occidentales à contrôler cet espace à dominance musulmane, qui a vu naître les spiritualités de la moitié du monde actuel. Les uns après les autres se lancent dans des tentatives hégémoniques à vocation quasi universelle, aussitôt contrecarrés par des jeux d’alliances plus ou moins opportuns. Les victimes en sont comme toujours les populations : pillages, violences, massacres, déportations, émigrations forcées, épurations ethniques ou religieuses, terrorisme, rien ne leur est épargné. Pour d’autres raisons, ces exactions perdurent comme le montrent les images quotidiennes diffusées par nos médias.
L’expansion en éventail de la Russie, puissance centrale, la mène vers la Sibérie, autour de la Mer Caspienne, puis à la frontière de l’Afghanistan, et enfin jusqu’à la Mer Noire. Plus tard, l’URSS poursuit cette voie avec en ligne de mire les accès au Golfe Persique et à l’Océan Indien. Pour préserver son joyau, l’Inde, ses armées et ses richesses, et en même temps contrer la Russie, l’Angleterre, puissance maritime, doit maîtriser à la fois les routes par l’Afrique australe, et celles par les territoires arabes de l’Empire Ottoman qu’elle est amenée à soutenir, continuées par celles de la Perse, devenu l’Iran. Quand l’Inde perdra de son intérêt, les champs pétroliers du Moyen-Orient justifieront la poursuite de l’ingérence britannique, remplacée après les guerres mondiales par la prééminence américaine.
Les ambitions de l’Allemagne enfin unifiée devenue première puissance industrielle du continent européen effraient ses voisins, d’autant qu’elle se projette sur un axe central incluant l’Autriche, puis la Turquie jusqu’à l’Irak. La France affaiblie après l’épopée Napoléonienne se déploie sur le Maghreb, puis en Afrique, tout en tentant de maintenir une présence plus culturelle que militaire après la dissolution de l’Empire Ottoman. Sa plus grande réussite est sans conteste la percée du Canal de Suez, avant que les anglais ne s’y déploient pour des raisons de sécurité, puis que l’Egypte le nationalise.
Nombreuses sont à ce jour les inconnues qui maintiennent la question d’Orient au cœur de la géopolitique sur fond de vigilance emprunte de méfiance entre Russie, Chine et Etats-Unis :
- le déséquilibre démographique d’une population très jeune dans des pays à l’économie trop peu développée face au vieillissement des pays les plus riches de la planète
- l’emprise de la religion musulmane sur les comportements et les mentalités de ces populations les empêchant d’assimiler totalement des modèles occidentaux qui en même temps les fascinent grâce à l’impact des nouvelles technologies sur la diffusion de l’information (et aussi de la désinformation)
- en corollaire, la faiblesse de l’esprit démocratique et de l’économie de marché à transformer des régimes qui se maintiennent surtout par des mesures autoritaires, voire totalitaires
- les richesses gazières et pétrolières locales qui constituent un enjeu incontournable de l’économie des puissances étrangères, sans toujours servir le développement des pays concernés
- l’islamisme radical soutenu par les pétrodollars, le trafic des armes, celui de la drogue, et les actions terroristes qui en résultent
- les rivalités entre des puissances, certaines nucléaires, voulant compter régionalement
- le maintien de frontières créées artificiellement dans les années d’après les guerres mondiales et de structures étatiques fragilisées par des décennies de conflits.
On a là un ouvrage de référence. Toutefois les quatre cartes en fin de volume ainsi que les index sont insuffisants pour se représenter cette richesse d’information, cette profusion d’événements à la fois dans l’espace et dans le temps. Il y aurait matière à illustrer cette histoire si complexe dans un système d’information géographique (SIG) accompagné de synoptiques chronologiques permettant de mieux comprendre ces aspects fondamentaux de la mondialisation actuelle.