Paix et guerre entre les nations
de Raymond Aron

critiqué par Colen8, le 25 avril 2015
( - 83 ans)


La note:  étoiles
La guerre ou l’argent, rétrospective géopolitique
On est en pleine guerre froide, situation inédite dans l’histoire des hommes marquée par un monde bipolaire (URSS et USA), par les armes de destruction massive notamment nucléaires et par l’équilibre de la terreur. Raymond Aron dans cet ouvrage dense de 1962 maintes fois réédité depuis, développe une théorie des relations internationales. Mais comment théoriser des notions aussi abstraites que gloire, grandeur, puissance ou force ? On a là un témoignage pour l’histoire pas toujours facile à lire en même temps qu’un exercice profond de politique fiction. Déjà l'auteur pense que malgré une réussite technique et économique reconnue à l’époque au communisme, ce régime avait déjà perdu la guerre des idées. A terme il évoque une paix universelle répondant à un vœu général, ne laissant subsister que des conflits locaux et des luttes intestines. Ce serait une fédération selon le modèle et les valeurs occidentales, régie par un droit de type constitutionnel. En prenons-nous le chemin à l’heure de la mondialisation, et des instances internationales ?
En fait de théorie, ce serait plutôt une méthode d’analyse, une définition des concepts correspondant à ce qu’on appelle aujourd’hui un référentiel, suivie d’un déroulement détaillé des scénarios envisageables. Les exemples sont pris dans la guerre du Péloponnèse de la Grèce antique, dans les deux guerres mondiales (14-18 et 39-45), dans les guerres de conquête puis celles de décolonisation. Le déclenchement d’une guerre atomique y est largement développé, pour l’exclure en raison des risques de disparition de tout ou partie de l’humanité sans gain pour quiconque. Si même se produisait un affrontement extrême entre les deux Grands, il bénéficierait surtout au tiers-monde des non-alignés ou non engagés. L’explication du comportement des acteurs, leurs motivations et leurs typologies s’inspirent de la sociologie dans des contextes liés à l’histoire comme à la géographie. On y retrouve l’opposition entre puissance maritime mobile ouverte souvent insulaire, et puissance continentale plus fermée, entre bloc central et périphérie, le souci de l’équilibre restant le garant de la sécurité.
Les guerres mondiales du siècle passé qui ont rompu des règles en vigueur depuis la guerre de Trente Ans visant à vaincre sans éliminer l’adversaire et à épargner les civils sont toujours à redouter. Elles ont mis fin à une hégémonie politique et militaire européenne de quatre siècles. Pour autant, l’Union Européenne reste un acteur économique majeur dans un monde méconnaissable depuis cette publication. Triplement mais aussi vieillissement de la population, doublement des pays adhérents à l’ONU par le jeu des indépendances, effondrement du bloc communiste, explosion du commerce international, concurrence des pays émergents à faibles coûts de main d’œuvre, épuisement des ressources, financiarisation de l’économie entraînant le creusement des inégalités, raz-de-marée des technologies biologiques et numériques, lesquelles curieusement sont nées et ont été financées à partir de besoins militaires.