Pukhtu Primo
de DOA

critiqué par CC.RIDER, le 26 mars 2015
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Ames sensibles s'abstenir !
En janvier 2008, un responsable d'Al-Qaïda nommé Al-Libi est tué dans un village du Wazistan du Nord par un missile tiré depuis un drone américain. Auparavant, une fine équipe de mercenaires sans foi ni loi avait bien préparé le terrain. Convoqué sur les lieux assez bizarrement avec ses enfants, Sher Ali, un contrebandier pachtoun respecté dans la région, réchappe miraculeusement à cette terrible frappe mais y perd son fils et sa fille. C'est un homme meurtri et rempli de haine qui regagne son clan. Pour retrouver son honneur perdu, il va minutieusement préparer une terrible vengeance qui sera autant dirigée vers les Américains qu'il considère comme des lâches que contre les traitres afghans qui collaborent avec les « croisés ».
« Pukhtu » est un énorme pavé de près de 700 pages assez indigeste et de lecture un peu laborieuse. DOA (Dead On Arrival), son auteur anonyme (on se demande bien pourquoi) mène de front un grand nombre de personnages et de situations, il tisse et entremêle plusieurs histoires qui semblent ne pas avoir de lien évident entre elles et se maintient sur un registre descriptif type reportage de guerre. L'attention du lecteur finit par se relâcher assez vite d'autant plus que les attentats, combats, enlèvements et autres faits de guerre sont assez répétitifs et souvent doublés par des articles de journaux racontant la même chose. Ce côté foisonnant, dispersé aux quatre coins du monde s'explique peut-être par le fait qu'un second tome sous titré « Secundo » est prévu et permettra certainement de répondre aux questions que le lecteur se pose une fois le livre fermé. Une plongée bien documentée et assez ébouriffante dans un guerre sale et d'une cruauté inouïe ainsi que dans l'univers des trafiquants de toutes sortes sans oublier les coulisses des décideurs, autres arrières cuisines nauséabondes. Un livre à conseiller à toutes celles et tous ceux qui veulent en savoir plus sur cette guerre américaine contre « le terrorisme » avec ce bémol : âmes sensibles s'abstenir car les scènes choquantes (décapitations, égorgements, viols) ne manquent pas !
Dans l'enfer afghan 7 étoiles

J'ai lu il y a quelques années le cycle des "citoyens clandestins" qui précède les évènements de Pukhtu. Dans ce diptyque nous sommes plongés dans les conflits de la frontière afghano-pakistanaise, opposant les armées régionales, les forces américaines et internationales ainsi que les talibans et autres insurgés. Les enjeux sont multiples et intriqués, officiels ou secrets voire illégaux. Les connections sont tentaculaires et dépassent largement l'Asie centrale.
C'est dans cet imbroglio que nous suivons d'abord Fox, un mercenaire qui travaille dans une société paramilitaire pour le compte du gouvernement américain. Mais aussi Sher Ali, chef de guerre pachtoune qui suite à un drame familial doit choisir son camp. Il est question de trafics, de dettes de sang et de luttes de pouvoir.

Dans cette première partie on retrouve les mêmes qualités du cycle des "citoyens", à savoir une immersion convaincante et documentée, une intrigue complexe et maîtrisée, des scènes d'action nerveuses et violentes et enfin une écriture vivante et brutale.
Petit bémol, une impression au cœur du roman de tourner en rond, que les scènes se répètent sans issue possible, avec un égrenage régulier des pertes humaines.

Elko - Niort - 48 ans - 5 novembre 2023


Vengeance, fric et foi 8 étoiles

Voilà un livre qui passionnera les férus de géopolitique, les amateurs de cet éternel Grand Jeu qui a pour théâtre l'Afghanistan et le Pakistan. Il les passionnera d'autant plus que DOA ne privilégie aucune explication simpliste et univoque mais rend à ce conflit toute sa complexité, tout son éventail d'intérêts divergents. Les critiques précédentes ont souligné la richesse de la documentation. C’est vrai : tant pour les armes que pour la géographie, l'auteur, dont on n'a aucun mal à croire qu'il ait été parachutiste dans un régiment d'infanterie de marine, colle au terrain et au réel.

Alors, récit journalistique, cours de rattrapage pour futur postulant au Quai d'Orsay ? Non pas. DOA connaît les codes du polar. La description des opérations menées est palpitante. L'auteur sait accrocher son lecteur et le faire vivre avec les combattants qu'ils soient pachtounes ou américains dans des reliefs hostiles, au centre de bourgades entassées avec leurs petites ruelles, jour comme nuit. On sue avec eux, l'adrénaline accompagne leurs peurs, les balles sifflent au dessus des têtes. C'est réussi. On arrive au bout de ces presque 800 pages en étant étonné de les avoir parcouru si rapidement.

Enfin, en dépit de la multiplicité des personnages, DOA parvient à faire naître, à défaut d'une sympathie, une réelle empathie pour ceux-ci de telle manière que leur destin nous intéresse.

Récit sans aucun défaut ? Hum, il est clair que DOA ne nous donne pas l'impression d'être limité ni par l'imagination ni par la consommation d'encre. Dans ce livre foisonnant, tant en terme d'intrigues, de personnages que de rebondissements, on a parfois envie de dire à l'auteur : allons, gardes-en un peu pour un autre roman ! Les péripéties africaines semblent par exemple hors sujet. Le lecteur comprend également dans les cinquante dernières pages que Primo signifie bien qu'il y aura un Secundo, d'ailleurs fort bien amené, et que ses curiosités ne seront pas immédiatement satisfaites...

Un livre remarquable par son ambition, par la virtuosité du récit avec un seul petit bémol pour le style que certains pourront trouver un peu « journalistique ».

Citation:

« Amel a intégré le service politique d'un grand quotidien [...] Et puis, [...] la vérité du métier lui est revenue dans la poire [...] La censure insidieuse et l'absence de courage, les grands discours et la posture, la servitude des uns, l'acceptation silencieuse des autres, l'inculture crasse et l'à-peu-près dissimulés derrière le prestige d'être la référence, un titre gagné de haute lutte par des plumes passées, le manque d'objectivité face à un réel forcément capricieux et rarement comme il faut, l'impossibilité de penser contre soi, voire l'interdiction de le faire, la défense de caste ».

Kostog - - 52 ans - 1 février 2019


un livre ambitieux ! 7 étoiles

Quels liens y a-t-il entre un français musulman d'origine Harki qui s'est retrouvé à travailler pour la CIA, un mercenaire à qui il faut encore un an à transbahuter de la drogue avant de pouvoir passer sa retraite au soleil, un journaliste qui veut percer et rencontre un militaire malmené par ledit mercenaire et sa clique, un chef de clan pachtoune qui se fait appeler Sher Khan depuis que ses enfants sont morts suite à l'attaque d'un drone américain, et tant d'autres personnages dont on partage, au fil de 700 pages, les histoires passées et actuelles ?
La route de toutes ces personnes sont en lien, plus ou moins direct, avec le Pakistan de 2008, ses évènements, ses combattants, ses terroristes, ses trafiquants en tout genre, ses populations d'ethnies différentes, et ses frontières floues avec d'autres pays.

La première chose que l'on peut dire de Pukhtu, c'est que c'est un livre foisonnant, tant en terme d'intrigues, de personnages, de situations, de lieux... A tel point qu'il est parfois compliqué de se rappeler qui est qui ou qui a fait quoi. Heureusement, le glossaire présenté en fin d'ouvrage permet de resituer les personnages récurrents, en plus de décrire les abréviations dont est truffé le récit.
Pour moi, le tour de force de DOA est d'arriver à présenter à quelqu'un qui n'y connait rien une vision claire de la géopolitique de cette zone sensible et instable, à faire "avaler" tout un tas de combats menés avec du matériel militaire au nom barbare sans ennui, et surtout, sans me laisser sur le carreau, au détour d'une attaque de drone ou d'une action éclair ! Les liens entre le trafic de drogue qui finance les combats, et les actions armées qui permettent son existence, sont particulièrement bien explicités. Les personnages que l'on croise sont avant tout humains, et l'on se surprend à compatir vis-à-vis de Sher Khan ou de Ghost. Dans ce coin perdu de vue par Dieu (quel qu'il soit), la violence est omniprésente, et le récit compte un certain nombre de scènes de torture, viol, décapitation, etc... ultra réalistes. Même si l'écriture descriptive et factuelle de l'auteur permet de prendre une certaine distance avec les évènements relatés, mieux vaut avoir l'estomac bien accroché !
Le récit alterne les évènements arrivant aux différents personnages, des articles de journaux et des rapports sur l'efficacité des actions menées. Cette redondance de mêmes fait nuit parfois, à mon avis, au rythme de l'intrigue.
Je ressors de ces 650 pages avec un goût amer dans la bouche. Le constat est pessimiste et peut, à mon avis, être généralisé à tous les sales guerres de ce type. Le vrai problème, c'est que personne n'a intérêt à ce que cessent ces situations ambiguës. Une fois qu'on a dit ça, difficile de rajouter autre chose. Chacun essaie de s'en mettre le plus dans les poches tout en conservant sa vie, et les idéaux sont foulés aux pieds des attaques aveugles qui ciblent aussi bien de grands bonnets terroristes que des "civils" dont ils s'entourent. Dans ce contexte, que ce soit par intérêt, par pouvoir, pour l'argent, pour la religion, pour l'idéologie, sous la contrainte, bref, quel qu'en soit le motif, chacun est amené à prendre un fusil et à se battre. Et j'ai beau être utopiste, je ne vois pas le bout de la queue d'une solution qui pourrait y mettre un terme !

Pukhtu est un livre ambitieux, exigeant mais abordable par tout lecteur dont "l'âme n'est pas trop sensible", et ça, ce n'est pas un mince exploit. Après, reste à savoir si le mystérieux DOA est très documenté ou très imaginatif ! (Moi, je pense qu'il est les deux...).

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 20 février 2016


Gooooooood morning Kaboul !!!! 8 étoiles

D’accord avec les critiques précédentes. Ce roman indigeste nous entraîne au cœur d’une guerre dont finalement nous ne connaissons rien des tenants et des aboutissants, la lecture est ici forcément laborieuse, tant les termes techniques et les situations nous sont étrangers. DOA (Dead on arrivals qu’on pourrait traduire par « Mort dans l’œuf ») fait, dans ce roman, preuve d’un cynisme désespéré. Mais, est-ce vraiment un roman ? Construit par moments comme un reportage, coupures de presse, rapports de missions, Reportings statistiques en début de chaque Chapitre, à l’appui, le lecteur à l’impression d’être immergé dans une certaine réalité de la guerre. Dans ce Roman, pas de héros, nous avons affaire à des professionnels, des professionnels de la guerre, mais aussi des professionnels des affaires, de la dope, des affaires, de la politique, des réseaux mafieux, des Talibans mi guerriers, mi trafiquants, tous plus ou moins détestables. Certains plus que d’autres, il faut bien l’avouer. Cette pléiade de personnages amène, chacun à son niveau les questions que l’auteur semble se poser. Cette guerre, mise en sous-traitance par l’état US à des paramilitaires dont le but n’est pas uniquement de servir leur pays, mais de gagner vite et beaucoup de dollars afin de prendre au plus vite une retraite dorée, n’est-elle pas simplement une guerre de pouvoir et de mainmise sur le trafic d’héroïne ? Les médias qui la reportent, ont-ils une vision objective de la situation, sont-ils muselés par nos dogmes et nos politiques ? Les reporters au service de ces médias ont-ils perdu leur âme au profit de leur gagne-pain ? les consommateurs d’information que nous sommes sont-ils prêts à tout digérer sans états d’âmes ? Nos élites sont-elles complices, instigatrices des massacres qui se perpétuent hors de nos sociétés endormies ? Cette guerre n’était-elle pas perdue d’avance ?
Dans le fond on peut dire que DOA et ELLROY même combat : tout est pourri dans nos sociétés, peut-être un peu de parano là-dedans mais une parano dans laquelle il est facile de se laisser glisser
Je ne mets que 4 car il faut vraiment s'accrocher pour ne pas se perdre au milieu de ce foisonnement de personnages et de situations.

Pytheas - Pontoise - Marseille - 59 ans - 3 juillet 2015


Roman choral sur la guerre 9 étoiles

DOA nous offre avec « Pukhtu » un OLNI (Objet littéraire non identifié). Passant d’un personnage à un autre, d’un camp à un autre, il se propose de nous faire vivre la guerre en Afghanistan de l’intérieur dans un très gros livre. On découvre alors des scènes toutes plus spectaculaires les unes que les autres, portées par un réalisme à couper le souffle. Mais l’auteur ne nous propose pas d’être seulement spectateur de ces scènes mais nous immerge dans l’intime des acteurs de cette tragédie moderne. J’ai partagé le quotidien de chacun des intervenants comme si c’était un ami ou de la famille. Et là, rien n’est romanesque, pas de héros… juste l’effroyable réalité. Le cercle vicieux du donnant-donnant entraîne ces hommes et ces femmes vers une querelle sans retour. L’injustice humaine qui sévit alternativement, déclenche toujours plus de haines et toujours plus de drames. Toutes ces vengeances en chaîne nous poussent vers une surenchère d’inhumanité et on assiste à des scènes d’une violence abominable. Des événements qui pourraient m'apparaître avec une brutalité froide, m’ont frappé au plus profond des entrailles.
Pour être au plus près du terrain, ce roman est foisonnant d’informations. La multitude de personnages et de termes techniques m’a semblé parfois un peu indigeste surtout sur un ouvrage de cette épaisseur. Mais l’objectif de m’ouvrir les yeux est parfaitement atteint. Jusque-là, je regardais tous ces conflits comme un bon film dans mon canapé. DOA a apporté la barbarie à la porte de chez moi. Grâce à un travail sûrement titanesque et sans jamais prendre parti, il a su me dévoiler les dessous de la violence et je ne suis pas ressorti indemne de cette aventure. Je suis assez fier et heureux d’avoir persisté dans la lecture de ce pavé difficilement accessible et lirai sans aucun doute la suite.
Rencontré aux détours d’une dédicace aux « Quais des polars » de Lyon, j’ai félicité DOA pour son travail de recherche. Avec un sourire en coin, il m’a répondu qu’il avait tout simplement beaucoup d’imagination… Si seulement !

Killing79 - Chamalieres - 45 ans - 12 avril 2015