Trois visites à Charenton
de Benoît Damon

critiqué par Lectio, le 24 mars 2015
( - 75 ans)


La note:  étoiles
Mystères de la folie.
Finir à Charenton ! L'expression perdura des dizaines d'années, montrant ainsi la place qu'occupa l'hospice pour aliénés dans l'imagerie populaire. L'époque dont il est question n'était pas vraiment "Charlie". C'est pourquoi l'individu perché sur tabouret, haranguant les passants devant Notre Dame de Paris, fut conduit, manu militari, au dit asile de fous. Il entretient avec Théodore Géricault venu peindre dix portraits d'aliénés un long discours durant trois séances de pose. Assurément marqué par la guillotine, la révolution et l'exécution du couple royal, notre "fou poseur" évoque les exécutions publiques, les trajets jusqu'à l’échafaud, les flots de sang, le règne de la terreur et la valse des têtes. Il raconte aussi sa vie entre les murs (quoi qu'à l'époque Charenton est à la campagne et un agréable lieu de villégiature), le passage du marquis de Sade dans l'établissement transformé grâce à ses pièces de théâtre en un rendez vous du tout Paris. Enfin, liant l'Histoire à son propre destin, il imagine sa conception. Sa mère engrossée pendant que, penchée à une fenêtre, elle regarde passer le couple de suppliciés royaux. C'est un discours noyé dans les paroles, pas toujours cohérentes. Voici donc un remarquable rendu de ce que peuvent être une divagation et une obsession. Bien entendu l'histoire est répétitive, focalisée et parfois un peu ennuyeuse par le déjà vu, déjà dit. Mais Benoit Damon sait nous intéresser malgré le "fou guillotin".