C’est profondément affligé que j’ai fini la lecture de cette biographie.
D’abord un peu déçu par le style plat et factuel de l’auteur, trop terne pour rendre vibrantes ces pages de l’histoire nationale. Même sur les points qui l’enthousiasment (la religion et la noblesse) il n’est pas convaincant.
Mais la déception est surtout venue de la personnalité d’Estienne d’Orves, que j’avais instinctivement appris à respecter comme héros de la résistance et comme camarade mort pour la France (il a donné son nom au grand hall de l’Ecole Polytechnique et on passe devant la plaque commémorative pour se rendre en amphi).
Si il est doté d’un sens du contact et d’un charisme incontestable, les appréciations de sa hiérarchie citées dans l’ouvrage montrent un personnage superficiellement mondain, impulsif, qui confond le courage et la précipitation. Ceci ne fait de lui qu’un officier médiocre, qui restera plus de dix ans avec ses 3 barrettes de lieutenant de vaisseau, sans obtenir d’avancement.
Arrivé à Londres il est nommé chef du 2ème bureau (renseignement) pour les forces françaises libres. Un de ses collaborateurs le jugera « trop confiant pour faire un agent secret », mais en ce début de guerre, les FFL doivent se contenter de ce qu’elles ont. Après quelques semaines à ce poste de haute responsabilité, il veut de l’action et fait montre d’une impatience d’adolescent (alors qu’il a plus de 40 ans…). Refusant le travail obscur et sans gloire de l’état-major, il veut se rendre lui même sur le terrain pour monter un réseau d’espionnage. Les avis de sa hiérarchie sont unanimement négatifs : ce n’est pas au chef du 2ème bureau de faire un travail d’agent, il n’a pas le profil, on lui annonce une « mission suicide », une « condamnation à mort ». Il s’obstine, obtient le soutien de de Gaulle pour pouvoir partir.
Il tiendra à peine un mois avant d’être arrêté, dénoncé par l’opérateur radio qu’il avait lui même sélectionné en dépit de rapports extrêmement négatifs. En fait de résistance il n’aura pas fait grand chose mais, tout à son activisme, il a contacté une vingtaine de personnes qui se retrouveront à ses côté devant le tribunal militaire allemand en tant que « réseau Nemrod ».
Instable, tout à ses rêves d’héroïsme, la tête remplie d’exemples patriotiques mal digérés, Estienne d’Orves est mort et a entraîné d’autres patriotes dans sa chute faute d’avoir compris la différence entre bravoure et imprudence. Mort héroïquement et stupidement comme la chevalerie française chargeant sous les flèches anglaises à Azincourt. Mort inutile et sans avoir combattu, à l’image de la Marine française à laquelle il appartenait, coulée à Mers-el-Kebir et sabordée à Toulon.
C’est pour moi un grand choc et une immense déception.
Romur - Viroflay - 51 ans - 8 novembre 2008 |