En Route
de Joris-Karl Huysmans

critiqué par Bookivore, le 16 mars 2015
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Crise de Foi
Dans "Là-Bas", Huysmans nous contait l'histoire de Durtal, un écrivain cherchant à écrire un livre sur le sinistre Gilles de Rais, croulant sous la documentation sordide concernant les méfaits de ce monstre, et découvrant, dans le même laps de temps, le satanisme, par le biais d'une jeune femme et d'un abbé défroqué.
Durtal n'est autre que Huysmans sous un autre nom, et le roman se basait sur des faits réels ; pour se documenter, Huysmans assistera à une vraie messe noire, racontée dans le livre, et il côtoiera brièvement l'abbé Boullan, un ex-prêtre reconverti au satanisme. La tentation sataniste ne durera pas longtemps pour Huysmans, qui entreprendra, pour le salut de son âme, une retraite spirituelle dans un couvent de Trappistes, et retrouvera totalement la foi, au point de se faire nommer oblat (moine laïc) par la suite.

Dans "En Route", qui est le premier volet d'une trilogie concernant Durtal (en fait de trilogie, c'est une quadrilogie, commencée par "Là-Bas"), on assiste à la renaissance de la foi catholique de Durtal, qui après avoir fréquenté, assidûment, diverses églises parisiennes (son amour de l'art liturgique, des chants religieux, de l'iconographie, y est pour beaucoup dans sa reconversion - au début), dont Saint-Sulpice (déjà bien présente dans "Là-Bas"), accepte l'offre d'un prêtre, celle de se retirer, temporairement, le temps d'une semaine, dans un couvent de Trappistes. Là, il va véritablement renaître à la vie religieuse, sa conversion va être totale, ou presque, car contrebalancée par de fugaces flashbacks de ses errances passées...

Un roman puissant, bien que long (470 pages environ, pour le texte), constitué de chapitres parfois assez longs, avec peu de dialogues, beaucoup de monologues à la "A Rebours" (du même auteur, je ne vous apprends, je l'espère, rien). En ce qui me concerne, je ne suis pas du tout porté sur la religion, étant du genre athée, ou agnostique, non-croyant, mais ça ne m'a pas empêché du tout d'adorer ce roman, qui, pourtant, ne parle que de ça, la religion, la foi, Dieu. Premier volet d'une trilogie, donc, poursuivie par "La Cathédrale" et achevée par "L'Oblat", c'est une des oeuvres majeures de ce grand écrivain qu'est Joris-Karl Huysmans, pour moi le plus grand écrivain français de sa génération, ni plus, ni moins. Bluffant.
Un beau chemin spirituel. 9 étoiles

C'est le second livre que je lis de cet auteur et certainement pas le dernier.

C'est dommage que de l'avoir lu après La cathédrale qui est la suite de celui présenté.

Mais de ne pas avoir respecté l'ordre chronologique ne gêne en rien la lecture.

Huysmans fait partie de ces auteurs comme Bloy, Bernanos, Hello qui délivrent un message spirituel intense.

La prose est magnifique, on ne peut que se laisser porter par ce livre qui évoque les affres d'un croyant qui part en retraite dans une Trappe.

Il s'interroge beaucoup sur sa foi, ses péchés. Il fréquente diverses églises parisiennes, écoute attentivement les chants surtout le plain-chant.

Il lit assidûment les mystiques, se trouve en quête d'absolu mais tâtonne.

Par le truchement d'un prêtre il va se retrouver dans un monastère qui suit la très austère règle de Saint-Benoît.

Une vie spartiate, des offices réguliers réglés comme du papier à musique vont avoir raison de ses doutes et lui faire découvrir la mansuétude du Seigneur.

C'est un livre de convictions, l'auteur a dû, j'imagine, traverser les mêmes errements que Durtal son héros pour écrire un tel livre.

Les développements sur le plain-chant, la mystique chrétienne, la vie des moines, les offices, son itinéraire spirituel sont très inspirants.

Huysmans qui me semble peu lu de nos jours est un grand écrivain, un incontournable du genre.

Evoqué de cette manière cela peut sembler aride, abscons, mais pas du tout, la prose de Huysmans se lit d'un trait, chaque page offre la découverte de cette vie de prière qu'est celle des moines et des retraitants.

Les 400 pages se lisent d'un trait.

Même s'il fut écrit au début du 20 ème ce livre n'a rien perdu de son intérêt bien au contraire.

J'ai hâte de lire la suite qui est dans l'ordre La Cathédrale, que j'ai lu, et l'Oblat.

Je conseille vivement cette lecture à ceux qui cheminent spirituellement, ils en tireront grand profit et étofferont leur culture religieuse chrétienne par la vie de tous les saints évoqués dans ce volume, cela toujours de manière élégante et instructive et surtout jamais rébarbative.

Maranatha - - 52 ans - 14 avril 2020


un grand témoignage chrétien 10 étoiles

J'ai eu le privilège de lire En Route l'été dernier, juste après ma conversion, en ignorant totalement que M. Houellebecq allait en parler dans son roman récemment paru. La description des cérémonies et des chants, dont la richesse des mots ne parvient qu'imparfaitement à nous faire percevoir l'élévation spirituelle qu'en ressent le personnage, tire certes parfois en longueur et correspond à une époque essentiellement révolue. Mais les chapitres psychologiques consacrés à l'analyse de la révolution vécue par Durtal sont purement éblouissants. Grâce à son vocabulaire extraordinairement précis et à sa finesse de pensée, Huysmans nous livre un témoignage qui connaît peu d'égaux. J'y ai retrouvé tout le processus intime que j'ai moi-même connu : interrogations sur la sincérité de sa conversion, tentatives de rationalisation, sentiment d'indignité, tentations de confusion instillées par le mal ("après les conversions, le diable s'agite"), accès à l'humilité, peurs du retour à la vie réelle, admiration de la sainteté, apaisement procuré par l'Amour du Christ et enfin acceptation de la Vie telle qu'elle est. Un grand témoignage chrétien.

Scotsman - - 54 ans - 21 mars 2015