Prends garde : Le roman ; L'Histoire
de Milena Agus, Luciana Castellina

critiqué par CHALOT, le 14 février 2015
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
un regard croisé original
« Prends garde »
Livre co-écrit
Par Luciana Castellina
et Milena Agus
éditions Liana Levi
janvier 2015

La désespérance et la colère

Les Pouilles constituent le talon de l’Italie, c’est-à-dire le sud- ouest de la péninsule….
Cette région, très touristique aujourd’hui est connue par son histoire et notamment la lutte désespérée et violente menée à la « Libération » par les paysans sans terre contre l’aristocratie foncière et les grands propriétaires.
Deux plumes nous content une page dramatique de l’histoire de cette partie de l’Italie, l’une nous relate la révolte brutale des paysans et des sans rien qui poussées par la misère se laissent aller à la violence « aveugle », l’autre fait revivre l’événement en le romançant…..
Un même événement, deux écritures : quand on a fini de lire le récit historique, il suffit de retourner le livre pour découvrir le roman.
La construction est originale mais l’histoire reste tragique.
Le 7 mars 1946, un coup de feu retentit alors que la foule est massée sur la place, d’où vient le tir ?du palais proche bien entendu ! Deux des femmes vivant quelque peu recluses dans ce « château » y perdent la vie.
Qui est responsable de cette colère d’ouvriers agricoles affamés et désorientés ? Certainement ces femmes qui vivaient recluses et ignorantes de ce qui se passait ….Elles ont été les victimes expiatoires de la misère, de la désespérance et de la colère aveugle.
Les journaliers attendaient des heures et des heures quelques heures de travail, mal payées, les propriétaires jouant la concurrence ….La moindre étincelle pouvait déclencher le pire.
« Entre les partis de gauche et les populations affamées qui vivaient dans les campagnes, il n’y avait aucune entente, mais une discorde latente, qui expliquait les mouvements spontanés et violents. L’antifascisme de classe, chez les paysans, resta donc longtemps en dehors de tout cadre politique…. »
C’est une page d’histoire, oubliée , occultée …L’histoire ne se répète pas, certes mais parfois balbutie…
Qui aurait pu prévoir les émeutes de novembre-décembre 2015, ici en France ?
Sans perspectives, oubliés, laissés à eux-mêmes, les désespérés n’ont plus que la révolte sans issue….

Jean-François Chalot