Victime des autres, bourreau de soi-même
de Guy Corneau

critiqué par Pendragon, le 4 janvier 2004
(Liernu - 54 ans)


La note:  étoiles
... ou le mythe égyptien revisité !
Guy Corneau est un psychologue canadien, auteur de pas mal de livres sur le bien-être ou le mal-être de l’homme. Dans cet ouvrage, il se base sur la légende égyptienne d’Isis et d’Osiris pour nous montrer que chacun de nous est la somme de tout le Bien et tout le Mal nécessaire à notre évolution, à notre changement.

Je vous résume, brièvement, la légende : Râ, le Soleil, Thot, la Lune, Nout la déesse du Ciel et Geb, le dieu de la Terre ; tous ces beaux protagonistes engendrent différents frères, sœurs, demi-frères et demi-sœurs : Osiris, Horus, Seth, Isis, Nephtys ; ceux-ci à leur tour folâtrent gaiement mais Osiris folâtre un peu trop et son frère Seth ne voit pas cela d’un très bon œil. Il utilise la vanité d’Osiris pour l’enfermer dans un coffre et l’envoie se perdre sur le Nil. Sur ces entrefaites, naît Anubis, enfant illégitime d’Osiris et de Nephtys, il est le chacal, il est le puant, le rejeté, il est la preuve de l’infidélité d’Osiris, mais pourtant Isis va l’adopter et en faire son garde du corps. Ensuite de quoi, elle part à la recherche de son mari et le retrouve coincé dans un gigantesque arbre, elle le ramène à la vie mais, avant qu’Osiris ait pu se réveiller, voilà Seth qui le rattrape et le coupe en quatorze morceaux qu’il distribue aux quatre coins de l’Egypte. Patiemment, Isis récupère tous ces morceaux sauf un, le phallus, mangé par un poisson. Qu’à cela ne tienne, elle lui façonnera un phallus fait du limon du Nil afin de lui permettre d’engendrer Horus le fils qui succède ainsi à Horus le frère. Vous suivez toujours ? Horus le fils, arrivé à l’âge ad hoc décide de venger son père et provoque Seth en duel. Transformés en hippopotames, ils se battent au fond du Nil. Isis voulant aider son fils lui lance un harpon qui le blesse, elle rattrape le coup et touche mortellement Seth mais refuse de l’achever. Voyant cela Horus coupe la tête de sa mère (charmant), mais heureusement Thot veille et il placera une tête de vache sur le corps d’Isis qui deviendra ainsi Isis-Hathor. Horrifié par son geste, Horus s’enfuit, est rattrapé par Seth qui lui crève les yeux. Isis retrouve son fils, le guérit, lui rend la vue et lui, par un acte de grande compréhension sacrifie sa nouvelle vue à son père (Osiris) afin de lui prouver son dévouement. Devant un tel sacrifice, Râ et Thot décident de lui redonner une fois de plus la vue, mais la double vue cette fois-ci et Horus devient le faucon, le lien entre la Terre et le Ciel, entre le Soleil et la Lune, entre la Vie et la Mort. L’histoire se termine par le jugement de Seth qui devient le conducteur de la barque dans le royaume des morts.

Ouf !

Au travers de ces textes, Guy Corneau tente de nous démontrer que chaque être vivant, quel qu’il soit, se doit de subir de nombreux changements, mentaux et physiques avant d’atteindre une espèce de compréhension, une espèce d’aboutissement. Il prend le mythe égyptien comme base symbolique extrêmement puissante de notre vie de tous les jours, du temps qui passe et de notre devenir.

Ce qu’explique ensuite Guy Corneau, c’est que chaque être vivant est à la fois et successivement, victime, bourreau, ou sauveur mais que chaque comportement vient exclusivement du Moi profond de l’individu, les circonstances n’ont que peu d’influence, seul compte le changement, la transformation, la métamorphose que chacun se doit de subir pour évoluer vers le panthéon divin… Ainsi, il est vrai qu’Osiris était imbu de lui-même et il dut en subir les conséquences, il est vrai que Seth était « mauvais », mais ses actions ont engendrés beaucoup de « Bien », il est vrai qu’Anubis était affreux, mais son rôle est maintenant primordial, etc…

Corneau explique qu’il en va ainsi de chacun de nous, nous avons tous en nous-mêmes une kyrielle de sentiments/sensations à l’instar de tous ces dieux égyptiens et il faut laisser chacun d’eux s’exprimer, que ce soit Seth, Horus ou Isis, chacun participe au grand œuvre qu’est le façonnage de l’homme en tant que tel. Il ne faut pas renier la part « sombre » qui est en nous, il ne faut dénigrer quoi que ce soit, il faut apprendre à comprendre pourquoi elle existe, il faut non seulement vivre avec elle, mais il faut l’accepter et l’aimer, car elle aussi fait partie du processus d’évolution de l’homme. Il va sans dire que Corneau n’est pas particulièrement croyant et qu’il porte un regard plus que critique sur le mythe chrétien qui tente de bannir une fois pour toute le côté sombre, privant ainsi l’homme de la moitié de son potentiel de compréhension personnelle. Cela dit, ne lui faites pas dire ce qu’il n’a pas dit, il parle bien sûr de l’individu par rapport à lui-même, il n’encourage nullement le mal, le vol, le meurtre ou autre…

Bien sûr, tout cela, il le dit bien mieux que moi, mais cela lui prend quand même plus de trois cents pages. Enfin, laissons-lui quand même le dernier mot : « Que le Dormeur s’éveille ! […] Qu’il se rende compte que, depuis l’origine, il était créateur de lui-même et de tout ce qui lui arrive. »