Moisson de crânes
de Abdourahman A. Waberi

critiqué par Rotko, le 18 janvier 2015
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
«  Comment écrire après les massacres rwandais ? »
Que faire d’autre sinon évoquer un instant les âmes et les êtres disparus, les écouter longuement, les effleurer, les caresser avec des mots maladroits et des silences, les survoler à tire-d’aile parce qu’on ne peut plus partager leur sort ?

Waberi écrit sur deux tableaux : celui des témoignages et celui des fictions. Il en résulte une description très rapide - qui n’a pas besoin de commentaires, sur la préparation des massacres : trois mots suffisent : machettes, radio, haine.

D’un côté on voit les génocideurs : ceux qui n’ont rien vu, et ceux qui, dans la prison de Rilima, nient farouchement les évidences.

On voit aussi le courage de ceux qui veulent reconstruire le pays.

Pourtant Waberi se montre-t-il optimiste ? le Burundi peuplé essentiellement de Tutsis ne contient-il pas en germe ce qui fit l’horreur du Rwanda, par le biais des Hutus ?

Comment expliquer qu’un si beau pays puisse, sous l’action de gens ordinaires, basculer dans le sang ?

Les citations d’Aimé Césaire et de Primo Levi sonnent comme des avertissements, en même temps qu’à la lecture des brèves notations politiques de l’auteur, on s’aperçoit de notre profonde méconnaissance des régimes africains, relégués au bas bout de l’actualité.

Au passage je note la condamnation de Waberi sur « le pouvoir mortifère de la plume » : Certains (dont un historien et un linguiste) ont poussé à la haine et au génocide. Rappeler que l’écrivain a une responsabilité demeure toujours d’actualité.