Insoumise
de Delphine Batho

critiqué par Bernard2, le 27 novembre 2014
(DAX - 75 ans)


La note:  étoiles
Cri de colère
La phrase la plus intéressante de ce livre est peut-être celle de la dédicace : Je dédie ce livre à toutes celles et ceux qui, comme moi, ont été un jour écartés, limogés, licenciés, virés.
Pour une fois, une responsable politique semble comprendre qu'il y a des personnes qui souffrent à cause d'un régime absurde, déconnecté des réalités du quotidien, et aux résultats catastrophiques.
Hélas, dès les premières pages, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Delphine Batho exprime sa déception, se sentant, à juste titre sans doute, victime d'une injustice. Le Premier ministre de l'époque a voulu faire preuve d'autorité, au mépris de toute logique (il en sera lui-même victime par la suite).
Mais quelles conséquences pour elle, sinon une blessure dans son orgueil ? Imagine-t-elle que pour le commun des citoyens, ces pratiques d'un monde qui ne respecte pas l'Homme créent de véritables drames ? En tout cas, bien peu de choses dans le texte ne permettent de penser que de telles épreuves l'aient profondément interpellée.
Delphine Batho nous dit que François Hollande, sitôt élu, a renié ses engagements. La « finance » n'est pas son ennemi, bien au contraire. Il y est complètement asservi et est dépendant d'elle. Les deux passages du livre où il est question du patron de Total, Christophe de Margerie, disparu depuis dans des conditions tragiques, sont particulièrement éloquentes et révoltantes. Mais hélas on n'a pas attendu cette publication pour le savoir...
On nous parle de « petits arrangements entre amis », de luttes pour le pouvoir, de réunions qui, on le sait bien, ne servent à rien. Mais Delphine Batho mesure-t-elle à quel point les effets de ces incompétences sont désastreux pour la majorité des Français ? Sans doute pas, les mondes parallèles ne se croisent pas. Les ors de la République rendent aveugle.
Je note cette phrase : « La paresse intellectuelle qui consiste à réduire le vote du 6 mai à un simple référendum anti-Sarkozy n’est qu’une commodité pour mettre de côté l’aspiration du peuple français au changement et mieux la décevoir ». Si elle me paraît fondée, elle traduit cependant une approche déconnectée du quotidien. En parlant des femmes et des hommes « normaux » (!), on dit « le peuple ». Ça résume tout. Delphine Batho, bien qu'elle essaie de nous le faire croire, n'est pas du « peuple ».
Bien sûr, le livre aborde le dramatique reniement du gouvernement face aux gigantesques défis écologiques, qui ne sont pas pris en compte. Mais si Delphine Batho préconise des mesures « courageuses », on sent nettement que ces mesures ne lui conviennent que si elle n'est pas directement concernée ! Probablement sans même s'en rendre compte, elle parle de ses multiples actions et autres agissements, largement polluants. Ça ne fait ni très sérieux ni très crédible...
Delphine Batho se plaint du sexisme au gouvernement, au parlement, ou dans les sphères dirigeantes. Comme quoi les belles promesses sont surtout annoncées par ceux qui souhaitent que rien ne change.
Quant aux inimaginables et ruineuses lourdeurs administratives, laissent-elles seulement entrevoir le moindre espoir que cela puisse changer un jour...
A noter une assez bonne analyse macroéconomique, même si elle se teinte parfois d'une dose d'irréalisme. Et une conclusion sans appel : la gauche actuelle est morte, et elle n'a aucune chance de gagner les prochaines élections. Ce qui incite Delphine Batho à dire, dans une lettre ouverte à François Hollande : perdu pour perdu, ayez le courage de faire les réformes indispensables.
Mais le courage de François Hollande a été d'évincer Delphine Batho, sous la pression des industriels appartenant au grand capital !
J'ai écrit en titre Cri de colère. Cri de colère d'une ancienne ministre déchue, certes. Mais c'est aussi mon propre cri de colère en refermant ce livre, et en me disant que Delphine Batho n'a pas compris grand chose, ou n'a pas voulu comprendre. Sinon, elle aurait démissionné d'elle-même. Mais non bien sûr. Quand on fait partie d'une caste privilégiée, on s'accroche. Finalement, elle est comme ses anciens collègues...
Un livre à lire, pour comprendre. Et malgré une conclusion qui exprime une note d'espoir, parce que ça fait bien d'écrire ainsi, on sent qu'il n'y a pas d'espoir. On ne va pas dans le mur. On y est et on va y rester.