Akira Mizubayashi a la particularité d'écrire en français, qui est pourtant pour lui une seconde langue, une langue étrangère... Mais justement, et il l'expose clairement dans ce beau petit livre (allez, il ne coûte que deux euros, offrez-le pour Noël), la langue est une autre façon d'errer, et en état d'errance, de sortir du carcan imposé par la tradition, surtout dans un pays aussi verrouillé que peut l'être le Japon.
Les allusions à notre dix-huitième siècle français, qu'il connaît fort bien, et à Rousseau en particulier (autre champion de l'errance, relire "Les Confessions" et ce qu'il dit de la marche à pied) aussi bien qu'au cinéma japonais (il m'a donné envie de voir le film fleuve de Kobayashi, "La condition de l'homme" et de revoir les autres films qu'il analyse assez longuement) rendent ce livre passionnant pour tout lecteur un tant soit peu ouvert et cultivé.
Quelques phrases m'ont singulièrement frappé :
"Comment ne pas se laisser envahir par l'angoisse qui vous prend devant l'acceptation, par la majorité anonyme et silencieuse, du monde tel qu'il va ?"
"Rien ne garantit que la majorité a raison. L'Histoire fourmille d'exemples qui prouvent le contraire. C'est pourquoi le respect et la prise en compte des voix minoritaires sont essentiels."
"Dans une collectivité […] fermée à l'extérieur et soudée par un même sentiment d'incorporation partagée, l'organisation verticale l'emportant sur le compagnonnage horizontal favorise peu l'échange verbal, rend difficile, voire impossible, la pratique du débat en tant que moyen de parvenir à un accord par l'usage collectif et égalitaire de la raison."
"J'ai de l'aversion, depuis lors, pour ceux qui tirent un plaisir malsain de leur position de supériorité. Pullulants et envahissants, ils sont partout présents dans la société."
Un livre petit par la dimension, mais substantiellement nourrissant.
Cyclo - Bordeaux - 79 ans - 18 décembre 2014 |