Trois mille chevaux vapeur
de Antonin Varenne

critiqué par Ellane92, le 26 novembre 2014
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
une belle réussite
1852. le sergent Bowman, de la compagnie de la East India House, est envoyé en mission secrète avec quelques hommes sur une rivière birmane. La mission tourne mal, les Anglais sont faits prisonniers des Birmans, affamés, torturés. Quand ils seront libérés, ils ne sont que dix, les plus coriaces, à avoir survécu.
1858. Londres, en pleine canicule, déborde de ses propres déjections. Bowman n'est plus que l'ombre de lui-même, et occupe, lorsqu'il n'est pas trop ivre, le poste de surveillant dans les rues de la capitale anglaise. D'ailleurs on se demande comment il marche encore, cet ex-sergent, dont le corps mutilé reste marqué par les mois d'enfer de sa captivité. Il passe une énergie folle à tenter de s'oublier, entre l'alcool qu'il boit et l'opium qu'il fume pour oublier ses cauchemars qui le ramènent quelques années plus tôt, dans l'atmosphère humide et chaude de sa cage birmane.
Un cadavre est retrouvé dans les égouts londoniens par un gamin des rues. La position du corps, les mutilations... Pour Bowman, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, c'est l'un de ses compagnons d'infortune qui a fait le coup. Et il faut l'arrêter. Et pour cela, il faut découvrir ce que chacun des dix survivants est devenu.

Trois mille chevaux vapeur se situe au carrefour du roman d'aventure, du western (si, si !), du thriller, de la quête personnelle et de l'histoire d'amour. J'ai bien conscience que dit comme ça, on a l'impression d'un mélange pas très ragoûtant, et pourtant ! Pourtant ce cocktail est sacrément réussi. Antonin Varenne dresse le portrait d'un Bowman plus vrai que nature qui, partant à la recherche d'un meurtrier, finira par se trouver lui-même. Mais pour ça, il lui faudra errer comme une âme en peine en Angleterre, traverser l'océan sur un paquebot qui va à la vitesse de trois mille chevaux-vapeur, et parcourir plus de la moitié des Etats-Unis, un continent en construction, peuplé de chercheurs d'or, de militaires, d'idéalistes, et d'Indiens rendus fous par la perte de leur identité et de leur territoire.
Au-delà de Bowman qui est un anti-héros très crédible, Antonin Varenne dresse toute une belle galerie de personnages secondaires qui côtoieront plus ou moins longtemps le sergent, dont celui d'une femme forte et libre. J'ai particulièrement apprécié le côté "exotique" des aventures de Bowman, ce monde en construction, en pleine mutation, qu'il traverse. Avec un sens du dosage très sûr, Varenne nous propose un meurtrier, un justicier, de l'action, des fausses pistes, de l'utopie, des grands espaces, de l'amour, des indiens et des pistes solitaires sous la lune, de la rédemption.
Bref, je vous invite fortement à parcourir le monde à la vitesse de Trois mille chevaux-vapeur ! Pour ma part, j'ajoute Antonin Varenne à ma liste des auteurs à suivre !


"A chaque fois que je regarde un feu, je me dis la même chose. Que les premiers souvenirs sont toujours des feux de camp entre gamins et que les vieillards, à la fin de leur vie, tirent des fauteuils devant les cheminées pour s'en rappeler."

Nous sommes deux rêves qui gardent un souvenir l'un de l'autre.

J'ai emprunté le nom de l'homme que je cherchais, le temps de comprendre que j'étais encore vivant. Ce miracle est d'une tristesse que je ne mesure pas encore. Je le dois à un jeune homme qui aimait galoper avec les chevaux sauvages et à sa jeune épouse qui se moquait de comment je m'appelais.
Un roman qui a un sacré souffle ! 10 étoiles

Un sacré souffle et un sacré coffre. Quand vous ouvrez Trois mille chevaux vapeur vous vous embarquez quand même pour 553 denses pages et vous allez passer, avec beaucoup de réalisme du continent asiatique ; la Birmanie, à l’Europe, à Londres puis finir par parcourir en tout sens le jeune continent américain. Jeune puisque ce roman se déroule fin du XIXème siècle quand la ruée vers l’Ouest de ce qui allait devenir les Etats-Unis était une réalité des plus concrètes.
Le roman attaque en 1852 avec le sergent Bowman, de l’armée d’une compagnie privée britannique des plus puissantes à l’époque, l’East India Company. Une compagnie qui mène des actions plus ou moins légales dans sa quête du profit et de la conquête de territoires. Le sergent Bownan est mandaté avec dix autres hommes pour une action des plus secrètes en Birmanie. Il va s’agir de remonter l’Irrawady mais pourquoi précisément, cela reste très allusif.
Cette expédition va (très) mal tourner et va valoir au sergent Bowman et à ses hommes rescapés un an de captivité dans la jungle aux mains des birmans, affamés, torturés et finalement relâchés à l’état de loques humaines.
Exit la Birmanie, nous sommes maintenant en 1858 à Londres. Eté, canicule, mal-être, de toutes façons le sergent Bowman n’est plus qu’un agent, patrouillant dans les rues de Londres, gavé d’alcool et soumis au régime de l’opium pour tenter d’oublier ce qu’il a subi lui et les neuf autres hommes en captivité. Mode survie. Mais la découverte d’un cadavre dans les bas-fonds de Londres va tout relancer pour lui puisqu’il va identifier sans doute possible le modus operandi de ce qu’on leur a fait subir. Il ne fait pas de doute pour lui que c’est l’un des neuf autres hommes qui a reproduit là ce qu’ils ont subi. Dans un sursaut de … fierté (?), lucidité(?), il va partir à la recherche de l’assassin.
Une quête qui va le conduire – et nous avec – de l’autre côté de l’Atlantique, dans ce Nouveau Monde qui s’ouvre vers l’ouest. Il va pister la trace de l’assassin, de ses méfaits successifs et nous allons fréquenter pionniers dans leur chariot bâché, chercheurs d’or, indiens, … Une épopée incroyable pour laquelle Antonin Varenne est aussi à l’aise pour nous y immerger que pour les rives de l’Irrawady ou les bas-fonds de Londres.
Antonin Varenne a un grand talent de conteur et de mise en situation et il a du souffle. Beaucoup de souffle. Laissez-vous porter.
Quand même ; commencer mode Joseph Conrad avec des soldats perdus errant en Asie, continuer mode Stevenson dans les bas-fonds de Londres et finir Western mode … qui vous voulez, c’est très fort. Toutes ces étapes avec la même crédibilité et la même puissance !

Tistou - - 68 ans - 4 juillet 2022