Une comédie familiale
de Isabelle Hausser

critiqué par Isaluna, le 16 décembre 2003
(Bruxelles - 67 ans)


La note:  étoiles
Il n'est jamais trop tard pour guérir de son enfance...
Isabelle Hausser a vécu quatre ans en Belgique, et porte sur notre pays un regard bienveillant et volontiers affectueux, contrairement à Baudelaire, son illustre prédécesseur.
La narratrice de cette comédie familiale débarque donc à Bruxelles, à Uccle plus précisément, à la suite de son mari, homme d'affaires international, et y accueille pour une durée indéterminéeson père et sa tante qui l'a élevée depuis la disparition de sa mère quand elle avait trois ans.
Cette disparition inexpliquée pèse très lourd sur les épaules de cette femme qui jamais ne s'est remise d'un abandon qu'elle croit être de sa faute et de celle de ses frères et soeurs.
Sa mère, pense-t-elle, aimait davantage sa liberté que ses enfants.
Cette croyance a modelé sa personnalité et empoisonne encore aujourd'hui son existence, à travers cauchemars et manque d'assurance et d'amour vis-à-vis d'elle-même.
Autour d'elle gravitent des personnages admirablement dépeints par l'auteur, un mari aimant mais très occupé, un père sommité intellectuelle mais évitant toute vraie réponse aux questions de sa fille, une tante fantaisiste et très présente, des personnages secondaires qui tous jouent un rôle dans l'évolution de la narratrice vers l'affirmation et la véritable connaissance de soi.
Tout cela est dit avec un véritable talent de conteuse, dans une écriture simple mais fluide, avec beaucoup d'humour et de subtilité.
On se laisse porter par ces pages chargées d'émotion, qui touchent et parlent au coeur.
Interesssant 6 étoiles

Rachel nous narre ici sa vie, arrivée en Belgique où elle tente de faire son trou en aidant son mari à s'installer dans un nouveau boulot, tout en continuant son travail de traductrice, et en accueillant dans une nouvelle maison trop petite son fils, son père, le chien de son père, sa tante, ses 2 filles le week-end, sa soeur en dépression, son frère....
Rachel est trop faible, elle se déteste de cette faiblesse. Au hasard des situations elle se forme une nouvelle tribu, se faufile très habilement mais jamais elle ne trouve grâce à ses propres yeux. Elle se débat la nuit dans des rêves perturbants qu'elle n'arrive jamais à oublier, et ne se remet toujours pas malgré sa cinquantaine d'années de l'abandon de sa mère lorsqu'elle avait 3 ans.
Mais la vie est pleine de surprises et elle ne viennent pas toujours des autres !
...

Pas mal ! Mais comment dire... ça se lit très vite, c'est assez intellectuel, c'est rythmé, mais il manque un petit quelque chose pour vraiment l'adorer. On découvre peu la Belgique, hormi en considérations morales et philosophiques. En fait j'ai trouvé l'écriture, le style un peu maladroit. Un peu ! mais pas complètement

Cuné - - 56 ans - 12 juin 2004


Magie des mots 6 étoiles

Le talent d'Isabelle Hausser ne cesse de surprendre, ses livres étant très différents les uns des autres, comme si l'auteur mettait un point d'honneur à chaque fois de se renouveler et nous surprendre. Si vous ne l'avez lu, je vous conseille de sa plume, "Célubée", un roman-conte initiatique étrange et violent, des débuts très prometteurs. Ouvrage élégant au style raffiné et très prenant, on est emporté par l'histoire dès les premières lignes.
Car c'est cela le génie d'Isabelle Hausser, c'est qu'elle nous emmène où bon lui semble sans que nous puissions lui résister et cette règle n'est pas dérogée avec "Une comédie familiale", bien au contraire. On pense au départ assister à des querelles et scènes familiales sans grande importance, avec leur lot de piquant et de mesquinerie, aussi une bonne dose d'humour. Mais très vite, l'intrigue nous entraîne plus en profondeur. Il ne s'agit pas simplement d'aménager une résidence luxueuse à Uccle, mais à travers les petits secrets de cette maison, c'est de découvrir les maux et zones d'ombres des protagonistes qu'il convient de faire. Après tout, certaines philosophies asiatiques affirment avec conviction que la maison est notre corps et qu'il faut analyser nos rêves en fonction de cela, ce n'est pas pour rien que les cauchemars répétitifs de Rachel prennent tant de place dans sa vie. On la pense démente, il n'en est rien, nous sondons son intérieur pour découvrir qu'un profond déséquilibre affectif et émotionnel l'empêche de vivre le réel tel qu'il se présente. La présence trop proche de son mari, de ses enfants, de son père ne va rien arranger à la situation car tout le temps, il faudra faire semblant et si les tensions peuvent aisément être mises sur le compte du déménagement, on ne peut pas toujours jouer la comédie.
Au-delà d'une situation vaudevillesque, on découvre les tréfonds de l'âme et ses blessures. J'y retrouve toute la douceur et la pudeur d'Isabelle Hausser, qui avait déjà exercé quelques talents en psychanalyse dans "Les magiciens de l'âme" et qui prouve, si besoin en était, qu'elle sait de quoi nous sommes faits et que nous ne devons pas nous voiler la face, il est impossible de se mentir trop longtemps.

Sahkti - Genève - 50 ans - 27 avril 2004