Le maitre de café
de Olivier Bleys

critiqué par Ellane92, le 13 novembre 2014
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
grand-père sait faire un bon café...
Le Chevalier Massimo Pietrangeli est, dans l'Italie des années 50, le maitre torréfacteur du président de la République. Rentrant chez lui, il s'effondre sur la route : victime d'une crise cardiaque, il tombe dans le coma. Le médecin appelé en urgence est formel : il n'en a plus pour très longtemps.
Oreste, le fils ainé, ainsi que sa femme Erminia, qui habitent avec le Maitre de café, ne tardent pas à rameuter toute la famille pour assister aux derniers jours de leur père. Lors de la presque veillée funèbre, alors que se négocient dans l'ombre les parts de l'héritage et surtout de l'entreprise paternelle, toute la famille se regroupe autour du moribond, sa tasse de café à la main. Car le café, c'est sacré, dans la famille Pietrangeli : on reçoit sa tasse bien à soi à 18 ans, pas avant, et c'est là l'origine de la fortune de la famille. Sans compter que le café peut accomplir des miracles : car lors de la dégustation, le bientôt mort ouvre ses yeux, bien décidé à savourer lui aussi le sombre nectar. Mais du vrai café. C'est-à-dire celui qui est issu des grains de la petite cassette du Chevalier, grains qui seront ensuite passé par les entrailles brûlantes et bruyantes de la Storta, le percolateur d'une demi-tonne inventé par Massimo. Si le breuvage est à nul autre pareil, et tous en conviennent, la réserve de la cassette est bien entamée. Massimo, bien décidé à en boire jusqu'à son dernier jour qui ne saurait tarder, convainc ses héritiers de l'accompagner aux sources du café !

Ce qu'elle est longue à se mettre en place, cette histoire !! La première moitié du livre raconte la famille Pietrangeli, avec la fille écrivain à la plume assassine, le gendre intéressé qui rêve d'industrialiser le nom du patriarche, le fils ainé qui cherche sa place, son épouse qui veut garder son ascendant sur le reste de la famille et sur son mari, et le Chevalier original qui, à défaut de sa vie, veut réussir sa mort… Ca crie, ça parlemente, ça s'agite, ça s'inquiète, ça mange et ça boit (du café !) et on recommence. Aucun intérêt à cette première moitié du livre, même si je reconnais qu'O. Bleys a su mettre l'accent sur ce qui caractérisait les familles italiennes…
La seconde moitié de l'ouvrage commence quand Massimo réussit à convaincre sa famille de partir avec lui remplir sa cassette de grains de café. On passe sans préambule de la chronique familiale à la quête initiatique, peuplée de situations aussi improbables que cocasses. Le cortège familial traversera l'Italie, une partie de la France, etc, avec patriarche, enfants, gendres et brus, petits-enfants et Storta. Pour éviter tout inconfort à sa famille, Massimo voyagera même dans son cercueil, pour le cas où il n'atteindrait pas la fin de sa quête. Et du coup, cette seconde partie est à la fois amusante, cocasse et instructive. Les individus deviennent une famille sous le regard enfin bienveillant du père, qui en profitera pour raconter son histoire en même temps que celle du café.
Même si la deuxième moitié du "Maitre de café" s'est avérée agréable à lire, même si c'est bien écrit, je garderai un souvenir mitigé de ce livre !

Assez tôt, Massimo prit l’habitude de faire la sieste dans le cercueil et d’y passer la nuit. Cela fût cause de grandes frayeurs chez ses visiteurs occasionnels, mais de quelques éclats de rire, aussi quand on le voyait jaillir de là comme un diable de sa boîte.

Il disait préparer le café comme on fait l'amour, quand le désir simplement s'en éveillait en lui. Au contraire, tirer un café régulier, un café dicté par la pendule, le rebutait. Il n'y trouvait aucun sens ni aucune saveur, pas davantage qu'aux caresses marquées sur le calendrier.

Peut-on faire un écrin aux joyaux de notre mémoire ? Peut-on, aux plus beaux d'entre eux, réserver des niches que le temps ne puisse forcer, sur lesquelles la mort n'ait pas d'emprise ?