L'échappée
de Valentine Goby

critiqué par Débézed, le 12 novembre 2014
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Qui j'ose aimer
Bonniche dans un hôtel-restaurant de Rennes réservé aux officiers allemands pendant la dernière guerre, Madeleine, Mado, pauvre petite paysanne bretonne rencontre un des occupants de l’établissement retiré du front pour cause de blessure qui se consacre à la musique. Il lui fait découvrir son art en mettant des images sur les sons qu’il tire de son piano, la jeune fille pénètre la musique tout en s’attachant progressivement au musicien qui la courtise avec plus en plus d’empressement, au grand dam de ses collègues serveuses. L’officier musicien refuse de partir sur le front russe et quitte définitivement le conflit laissant la jeune fille seule avec l’enfant qu’elle porte et la vindicte qui se déchaînera à l’heure du règlement des comptes. Mado passera le reste de son existence à fuir perpétuellement pour oublier son passé, mais surtout pour ne plus subir le regard et le mépris des autres, ceux qui la jugent sur ses actes mais jamais sur ses intentions.

Un récit lent qui avance pas à pas au rythme des descriptions des choses infimes qui, en s’ajoutant bout à bout, constituent la triste histoire de Madeleine dans un milieu triste à une époque triste, l’histoire d’un amour improbable, impossible, interdit. La double tragédie d’un officier allemand qui ne croit plus en son pays et en son rôle de militaire, préférant la musique de son piano à celle des armes à feu et celle d’une jeune fille française cherchant à s’évader dans la musique, qu’elle confondait avec le musicien, pour ne pas porter un secret trop lourd pour elle.

Madeleine est née du péché et elle engendra à son tour dans le péché d’une fille qui porte elle aussi cette malédiction qui semble s’acharner sur cette lignée de femmes miséreuses qui ne demandent qu’à vivre l’amour qu’elles ont rencontré dans leur totale innocence. Ce livre est un plaidoyer pour ces malheureuses femmes qui n’ont pas choisi leur camp, ces femmes qui veulent seulement vivre l’amour qu’elles ont rencontré au hasard de leur triste existence. C’est aussi un discours en forme de plaidoirie pour réclamer haut et fort le droit pour les femmes d’user de leur corps comme elles l’entendent et avec qui elles l’entendent au-delà de toute barrière mais celles érigées par les nations en guerre. Un thème que Valentine Goby développera encore, avec plus de maîtrise, dans un autre livre : « Qui touche mon corps je le tue ».