Nouvelles
de J.D. Salinger

critiqué par Béatrice, le 7 décembre 2003
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Il peut faire mieux
La première nouvelle « Un jour rêvé pour le poisson banane » convainc par le suspense et la chute. Mais sur l’ensemble de neuf nouvelles de ce recueil, je n’ai aimé que deux. Maigre bilan.
Par exemple « Juste avant la guerre avec les Esquimaux » : d’accord, le titre est une trouvaille. Et après ? Quatre adolescents, des dialogues ; je ne vois pas où l’auteur veut en venir, ça sent le meublage.

Le thème de l’enfance est de nouveau présent. Le héros est parfois un gamin narquois qui mène son interlocuteur par le bout du nez.
« -- Je serais extrêmement flattée si vous vouliez écrire, un jour, une histoire rien que pour moi. Je dévore les livres. [ dit Esmé, une fille de treize ans] Ca n’a pas besoin d’être terriblement long ! Du moment que ce n’est ni bête, ni puéril.
Elle réfléchit. Ce que je préfère, c’est les histoires sur l’abjection.
-- Sur quoi ?
-- L’abjection. Je suis extrêmement intéressée par l’abjection. »

Avec le souvenir du livre culte « L’attrape-cœurs », j’attendais mieux.
C’est peut-être comme la lecture du « K » de Buzzatti, après avoir découvert « Le désert des Tartares ».
Historiettes stylées 7 étoiles

Au bord de la mer, un jeune couple vit son séjour de vacances de manière un peu particulière. L’homme revient de la guerre. Sa jeune épouse s’interroge sur son couple. La belle-mère craint pour la santé mentale de son gendre… Deux amies, Eloïse et Mary Jane évoquent leurs souvenirs du temps du collège, leurs amis, leurs amours… Ginnie reproche à Séléna de ne jamais vouloir partager le prix du taxi qu’elles prennent chaque fois qu’elles rentrent de leur partie de tennis. La jeune nantie serait-elle radine ?… En 1928, John Gedsudcki est le chef d’une patrouille de jeunes « Commanches » d’une dizaine d’années. Chaque fin d’après-midi, il les emmène dans un vieux bus jouer au foot-ball, au basket ou au rugby à Central Park quand le temps le permet ou visiter un musée les autres jours. Sur le retour, John, élu meilleur demi de mêlée américain de l’année 1926, leur lit une histoire. Les « Commanches » l’adorent jusqu’au jour où la petite amie de John intervient…
Cet ouvrage est un recueil comportant neuf nouvelles déjà anciennes (datant des années 1948 à 1953 et éditées en France en 1961), mais encore agréables à lire aujourd’hui. Elles décrivent de manière allusive le monde un peu naïf de l’après guerre, les débuts de « l’American Way of Life », à travers de petites histoires de la vie de tous les jours, sortes de saynètes réalistes. Salinger s’attache à mettre en scène des enfants, des ados et de jeunes adultes. Il arrive à les rendre vivants et intéressants surtout par les dialogues qui sonnent juste et qui donnent un style agréable, alerte et fluide. On sent que Salinger a été influencé par le grand Hemingway. C’est particulièrement remarquable dans la première nouvelle « Un jour rêvé pour le poisson banane », la plus réussie de l’ensemble. La seule aussi où l’auteur respecte les règles de construction d’une nouvelle classique en particulier pour la chute. Mais les huit autres sont nettement plus faibles. N’en déplaisent aux critiques dithyrambiques, il sera difficile de classer Salinger autrement qu’un peu au-dessous des grands maîtres du genre comme Maupassant, Pirandello et quelques rares autres. Ses intrigues sont trop banales, ses chutes trop ouvertes. Le quotidien peut vite lasser. Seul son style épuré mérite encore le détour.

CC.RIDER - - 66 ans - 3 février 2022


Neuf histoires 9 étoiles

Même si son succès repose majoritairement sur son unique roman "L'Attrape-coeurs", J.D. Salinger est d'abord un auteur de nouvelles. Entre 1940 et 1965, il publie pas moins de 38 nouvelles dans une multitude de magazines américains comme Colliers's, le Saturday Evening Post et l'illustre New Yorker. Il n'acceptera de publier sous forme de livres que 13 de ces textes, condamnant une vaste partie de son oeuvre à l'obscurité quasi-complète.

Des neufs nouvelles regroupées dans ce recueil, 7 sont parues dans le New-Yorker, magazine que Salinger en est venu à considérer comme le seul étant digne de publier son travail. Neuf textes, publiés sur cinq ans, qui ne représentent qu'une petite partie de la production de l'auteur. Les seuls, à l'exception de quatre histoires sur la famille Glass, qu'il jugeât dignes de passer à postérité.

Malheureusement, la traduction française de ces histoires, qui date de 1961, laisse fortement à désirer. Salinger est un maître du dialogue qui arrive à rendre parfaitement le rythme de la langue orale. Le passage en français est parfois maladroit et la traduction est datée et truffée de glissements de sens. Rien d'aussi pitoyable que le travail d'Annie Saumont sur "L'Attrape-coeurs", mais tout de même un peu décevant. Salinger aurait grandement besoin d'être retraduit d'un bout à l'autre.

Dans l'ensemble, "Nine Stories" (titre original anglais) est un excellent recueil qui contient certains sommets de ce genre littéraire: "Un jour rêvé pour le poisson-banane", "Pour Esmé - avec amour et abjection" et "Teddy" figurent parmi les meilleurs textes de Salinger et se retrouvent encore sur les cursus scolaires plus de 60 ans après leur parution originale. D'autres nouvelles comme "L'homme hilare" sont un peu moins intéressantes, mais aucune n'est totalement dénuée d'intérêt. Un livre à avoir absolument dans sa bibliothèque.

ARL - Montréal - 38 ans - 25 avril 2016


Pas très simple tout cela.... 4 étoiles

Je me suis plongé avidement dans ces "Nouvelles" de Salinger, cet auteur qui s'est illustré par "l'attrape-coeur" et dont la vie elle-même est d'une méconnaissance absolue. En effet, reclus dans sa maison au fin fond des Etats-Unis, il n'a donné que très très peu d'interviews dans sa vie et ne fut pas ce qu'on l'on pourrait qualifier de "prolifique" dans son art. En effet, à part l'attrape-coeur et ce condensé de 9 nouvelles, il n'a quasiment rien écrit d'autre.

Pour en venir donc à ce recueil de 9 nouvelles, je dois admettre avoir été assez désarçonné par ce que j'ai lu. Et malheureusement pas forcément dans le bon sens du terme. En effet, j'ai trouvé que bon nombre de nouvelles étaient assez incompréhensibles. L'auteur nous plonge dans des dialogues assez incongrus, le lecteur est un peu perdu sur les personnages, qui dit ou qui fait quoi? pourquoi? etc.... le but de ces nouvelles est que la chute ne doit pas être dévoilée mais doit être imaginée en filigrane par le lecteur, comme en image subliminale. Les personnages sont torturés, bon nombre de détails reviennent à chaque nouvelle tels que la présence de cigarettes ou de boissons alcoolisées. Evidemment l'enfance et l'adolescence ont un rôle de première importance dans les textes et l'auteur instaure des relations assez bizarres entre adultes et enfants. Nous sommes à nouveau (comme dans l'attrape-coeur) dans des nouvelles d'apprentissage mais l'histoire n'est pas assez claire (du moins pour mon petit esprit) pour en comprendre tous les tenants et les aboutissants. J'aimerais réellement que l'auteur nous dévoile le fond de sa pensée pour chacune de ses nouvelles. J'ai particulièrement apprécié une nouvelle, intitulée "Teddy", qui va au fond des choses et dont la chute est assez spectaculaire....

Clubber14 - Paris - 44 ans - 14 février 2013


Génial 10 étoiles

Les nouvelles de J.D Salinger sont parmi mes livres préférés. On ne saurait en aucun cas les qualifier de quantité négligeable ou d’insuffisantes. Chacune de ces nouvelles est une histoire totalement originale, avec un contexte, un imaginaire et des pistes de réflexion multiples et très riches. Il est dommage que Folfaerie ne participe plus au site, car j’aurais voulu lui demander pourquoi elle pense que les personnages de « Oncle déglingué au Connecticut » sont des adolescents, alors que je suis persuadée que non. Par contre, quand elle dit « Je n’ai jamais eu l’occasion de lire des nouvelles d’autres auteurs se rapprochant un tant soit peu de celles de Salinger », je suis absolument de son avis. Ce sont des textes uniques, qui vous hantent pour toujours. J’ai lu cet ouvrage pour la première fois alors que j’avais 16 ans. Il s’est gravé dans ma mémoire sans même que je m’en avise. Souvent en été, au bord de la mer, je regardais les enfants jouer et je me disais « Un jour rêvé pour le poisson banane » Personne, bien sûr, ne comprenais de quoi je parlais. Je ne l’avais pas relu depuis. L’ayant trouvé dans un vide grenier, je l’ai relu il y a peu. Le même envoûtement, la même lumière et un nouveau niveau de compréhension. Génial.

Sibylline - Normandie - 74 ans - 28 juillet 2004


Pas d'accord, un excellent recueil ! 9 étoiles

Je ne suis vraiment pas d'accord avec Béatrice sur la qualité des nouvelles de Salinger. Je me souviens les avoir lues bien après l'attrape-coeur et les avoir préférées à celui-ci.
Quant à parler de "meublage" c'est tout de même un peu fort... Salinger a longtemps été hanté par l'enfance, et le thème récurrent de ses nouvelles est de montrer le décalage entre le monde des enfants et la perception de leur monde par les adultes, et par là même, de traiter de leurs relations.
Les deux seuls personnages de ces nouvelles qui parviennent à communiquer avec les enfants sont Seymour, le héros d'un jour rêvé pour le poisson-banane (une de mes préférées) et celui de "l'Homme hilare", car il n'est guère plus âgé que les adolescents dont il s'occupe. Et puis cette histoire qu'il leur raconte au fur et à mesure, cet Homme hilare, est extraordinaire.
Cette incompréhension entre adultes et enfants se retrouve également dans "Teddy" et "en bas sur le canot".
Quant aux autres nouvelles, citées par Béatrice et auxquelles j'ajouterai "oncle déglingué au Connecticut", elles n'évoquent rien d'autre que des adolescents paumés, aux vies un peu triste et vides.
Il y a beaucoup de finesse et de nostalgie dans ces histoires, et un petit quelque chose d'étrange qui fait leur singularité. Je n'ai jamais eu l'occasion de lire des nouvelles d'autres auteurs se rapprochant un tant soit peu de celles de Salinger. Une oeuvre unique et attachante qui ne mérite certainement pas d'être boudée.

Folfaerie - - 55 ans - 7 décembre 2003