La vérité sur Gustavo Roderer
de Guillermo Martínez

critiqué par Pucksimberg, le 8 octobre 2014
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
L'affrontement de deux adolescents intelligents
Ce court roman s'ouvre sur une partie d'échecs dans un village argentin. Deux adolescents s'affrontent et se jaugent par le biais de ce jeu qui souligne deux intelligences différentes. Le narrateur est un très bon élève et a une attitude qui rappelle celle de tout adolescent qui se respecte, alors que Gustavo Roderer est plus silencieux, méditatif. Il s'ennuie à l'école et a besoin de se confronter à la philosophie et aux mathématiques afin de mieux comprendre le monde dans lequel il vit. Il n'hésite pas à contester et à remettre en question. Mais quelle sera la limite ? Il souhaite trouver une philosophie révolutionnaire de la pensée ... Ces deux figures adolescentes sont fascinantes et interrogent le lecteur. Le cadre scolaire est esquissé, les mathématiques et la philosophie sont évoquées car elles incarnent le savoir et l'intelligence, mais ces personnages ne sont pas totalement dans l'intellect, leur cadre familial est dépeint et humanise quelque peu ces individus, vraiment très peu en ce qui concerne Roderer.

Guillermo Martinez apprécie la lecture des textes du grand Borges et l'on s'en rend nettement compte quand on lit ce roman, construit comme une longue nouvelle. Dans ce texte, il y de nombreuses théories, un roman précisément évoqué, des scènes qui interrogent le lecteur. L'on pénètre dans le labyrinthe de la pensée. Comme chez Borges, certaines références sont purement fictives. Le récit est assez jubilatoire et il n'est pas nécessaire d'être surdiplômé pour comprendre ce texte qui brasse de nombreuses notions liées au savoir. Le personnage de Roderer, beau jeune homme qui séduit les jeunes filles malgré lui, est parfois inquiétant dans son besoin de maîtriser le savoir et rappelle l'adolescent que Mircea Eliade a décrit dans "Gaudeamus", personnage tout aussi inquiétant.

Le texte est très bien écrit, sans doute très bien traduit aussi. Guillermo Martinez parvient à captiver son lecteur avec ses personnages. Le roman semble être un échiquier où chaque adolescent avance un pion selon son intelligence et son mode de fonctionnement. A force de dévorer les théorèmes et les philosophies, l'on en vient parfois à se dévorer totalement ...

La dernière page tournée, le lecteur sent que le texte est métaphorique et riche. Il nécessiterait une seconde lecture pour tout décrypter. Comme chez Borges, on en sort séduit, fasciné et méditatif ...