L'empereur d'Occident
de Pierre Michon

critiqué par Falgo, le 24 septembre 2014
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Porteur de sens
J'avais oublié 'L'empereur d'occident' dans un coin, ne réalisant pas qu'il n'était pas présent sur ce site. Je tente de réparer cet oubli. Ecrit après le franc succès des 'Vies minuscules', ce court livre (moins de 80 pages de petit format) est un jalon important dans le parcours de Michon. Il s'agit d'un essai, jugé raté par l'auteur lui-même, d'inscription d'un récit dans l'Histoire. Situé au V° siècle après J.C., au moment où les barbares envahissent l'empire romain déclinant, il se présente comme un dialogue entre un vieux musicien, passagèrement installé sur le trône impérial et exilé politique, et un jeune ambitieux qui luttera plus tard contre les fils du chef barbare qui a manipulé le musicien.
Ecrit dans le style poétique, travaillé, au rythme lent si typique de l'auteur, le livre conduit une belle méditation sur le pouvoir, ses faux-semblants, la fascination qu'il exerce, les peurs qu'il inspire. C'est ainsi qu'il faut le lire, le dégustant lentement, porté par le verbe, au travers des mystères peu explicités du récit. Peut-être inabouti, il est un exemple de la démarche de Michon, telle que présentée dans "Le roi vient quand il veut', et annonciateur des textes suivants, en particulier des merveilles, abouties celles-ci, contenues dans les trois contes de 'Abbés'. A réserver cependant aux amateurs de Michon, dont je souhaite qu'ils soient chaque jour plus nombreux.
Exercice de style 7 étoiles

Fidèle à son thème, Pierre Michon brode des récits imaginaires sur les vies de personnages parfois obscurs parfois illustres, occasion pour lui de déployer une écriture particulière fondée sur la recherche des mots, et le rythme des phrases. Ici il nous ramène au contexte des grandes invasions, du conflit religieux entre christianisme promu religion d’Empire et arianisme condamné par le concile de Nicée. Narrateur, il est le général romain Aetius né en pays scythe, placé enfant comme otage à la cour d’Alaric roi des goths, puis à celle des Huns. Séjournant quelque temps en Sicile après le sac de Rome par le même Alaric, il y croise l’ancien musicien de ce roi qui le désigne provisoirement (dérision, superstition ?) empereur d’Occident. Les souvenirs du vieil homme font digression dans l’évocation des mœurs, de la végétation, des lumières, des paysages méditerranéens. En définitive Aetius vaincra plus tard Attila son presque frère, aux Champs Catalauniques. Cette courte fiction sur fond historique à peine plus longue qu’une nouvelle est sans doute adaptée pour être lue à voix haute devant un auditoire, ce qui en ferait ressortir toute la musicalité.

Colen8 - - 83 ans - 26 avril 2017