Venu du temps Dièse
de Bogdan Suceavă

critiqué par Pucksimberg, le 24 septembre 2014
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Moïse Vespasien ou l'arrivée du Messie à Bucarest !
Un homme, dont la carte de Bucarest est gravée sur le torse, arrive comme une incarnation divine dans la capitale de la Roumanie. Il suscite le plus vif intérêt, on le considère comme le Messie, il réalise des miracles, connaît parfaitement l'Humanité et semble porteur d'un enseignement qui pourrait sauver ce pays à la dérive sur un plan politique. Son nom en dit long : Moïse Vespasien. Une secte s'organise autour de lui et un nouvel élan spirituel naît dans Bucarest, élan soutenu fortement par des scientifiques. Les autorités s'inquiètent, surtout qu'un homme se disant être Etienne le Grand surgit aussi et constitue un petit groupe de fidèles. Et il y a aussi des satanistes qui s'interposent ... Toute cette faune perturbe le quotidien des habitants de Bucarest, Bogdan Suceava donne naissance à une Babylone déconcertante ancrée dans l'histoire de ce pays de l'est méconnu. On y croise un chat qui parle, d'anciens agents de la Securitate, des représentants de l'église,des politiciens, tout ceci pour montrer dans quelle situation se trouvent les roumains après le communisme. Ils attendent sans doute un miracle pour s'en sortir, d'où tous ces individus !

Ce roman est quelque peu déjanté avec tous ces personnages. Le roman entremêle des passages qui évoquent la propagation de certaines idéologies, quelques réflexions étranges sur Némésis et sur la langue roumaine qui détiendrait de grands secrets en son sein même, des passages assez loufoques et une critique acerbe de ces politiciens qui ont enlisé le pays et qui ont découragé les habitants qui se réfugient du côté de l'incroyable, seul capable de sauver ce pays. On ne s'ennuie pas une seule seconde et le lecteur passe de surprise en surprise avec ce roman complètement fou et très juste dans sa représentation du pays. Derrière cette démesure se cachent une analyse pertinente et un constat inquiétant.

Il ne faut pas en déduire pour autant que le récit est déprimant. Ce n'est pas le cas. L'on rit de ces épisodes burlesques et il est réjouissant de voir comment l'auteur parodie certains textes littéraires. Le roman est très bien construit et il possède de nombreux renvois à des textes roumains qui font autorité. Heureusement que la traductrice Dominique Ilea a rédigé des notes afin d'expliciter ces références. Cela permet au lecteur français, peu familier de cette culture, de comprendre les allusions, mais aussi de se rendre compte que le roman est loin d'être léger et se révèle très riche. Toute l'histoire de la Roumanie semble être condensée dans ce roman par les divers clins d'oeil.

Bogdan Suceava offre à son lecteur un roman foisonnant et délirant, pourtant si proche de la réalité roumaine.