L'image dans le tapis
de Henry James

critiqué par Kinbote, le 8 novembre 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Le dur métier de critique(ur)
Un jeune critique est amené à écrire un article sur le dernier livre de Hugh Vereker, écrivain renommé. Quelques jours après la parution cet article, il rencontre l’écrivain qui trouve le papier anodin, conforme à la moyenne de ceux qu'on écrit d’habitude sur ses livres.
« Personne ne voit jamais rien ! « se plaint-il auprès du jeune homme. « Toujours les mêmes balivernes ! »
Il regrette que pas un critique n’ait percé le secret de son oeuvre, l'intention générale, "la raison particulière qui est à l'origine de chacun de ses livres, quelque chose qui appartient au plan d'ensemble primitif comme l'image compliquée d’un tapis persan ». Dès lors notre jeune critique, le narrateur de ce récit, relit tous les livres de Vereker mais il ne trouve rien. Au contraire, les livres de Vereker finissent par l'agacer. Il se confie de cet épisode auprès de George Corvick, l'ami et critique réputé du journal qui les emploie tous deux. Corvick en parle à sa fiancée qui a écrit un premier roman et tous deux se mettent en quête du secret. Des Indes où il est parti en reportage, Corvick annonce qu’il a trouvé mais il reviendra se marier et mourra dans un accident de cheval avant d'avoir révélé quoi que ce soit à son ami. Celui-ci est dès lors persuadé que l'épouse de Corvick dont il est tombé amoureux a été mise dans la confidence. Elle épousera bientôt un autre critique de talent et mourra à son tour sans avoir rien divulgué (comme le narrateur s'en assurera) de la supposée révélation du secret de Vereker par son premier mari. Comme le signale Fabrice Hugot, le traducteur de ce texte dans une autre édition (Critérion), pas moins de cinq décès (dont celui de Hugh Vereker) surviennent dans ce roman pourtant censé percer une énigme littéraire et qui s'apparente à un roman policier très british avec succession de cadavres et passage d'un témoin empoisonné.
Lorsqu’il s'entretient avec le narrateur, l'écrivain déclare que le fait d’être marié pourrait aider Corvick dans son travail d'enquête.
Fabrice Hugot laisse entendre que l'énigme de l'oeuvre serait à chercher du côté de la vie, et sans doute de l'amour (ce qui exalte la vie). De son exaltation donc plutôt que de son examen compulsif car à vouloir confiner l'existence dans le bocal de la connaissance, on ne ferait que la perdre. Mais ce n'est bien sûr qu'une piste proposée car Henry James a construit son récit de façon telle qu’il suscite des conjectures infinies. Comme un pied de nez éternel à la critique.