Petite frappe
de François Bégaudeau (Scénario), Grégory Mardon (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 13 septembre 2014
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Portrait d’un jeune rebelle sans cause
Fils du prof de maths de son lycée, Jonathan est un ado rebelle à la langue bien pendue. De plus, il est plutôt mignon et fait facilement chavirer les cœurs des jeunes filles. Ses aspirations, il les exprime au sein du club de foot de sa banlieue de l’Essonne où il fait des étincelles, certains voulant voir en lui un futur champion. Pourtant, ses rêves sont ailleurs que dans la prison dorée du sport-études vers laquelle on veut l’orienter. Non seulement il n’en fout pas une rame au lycée, mais il n’aime pas spécialement le foot et encore moins le sport, et se fiche bien d’avoir un corps d’athlète. Depuis qu’il assiste aux répétitions du groupe de rock de sa sœur, il semble comme subjugué par cette musique et ses stars. Et si lui-même était le nouvel Iggy Pop ? Footballeur ou rockeur, il faudra choisir…

De manière curieuse, le récit s’ouvre sur ce grand garçon allongé dans l’herbe, sourire béat et brin d’herbe à la bouche, personnage secondaire un peu simplet dont on ne saura presque rien, car il ne parle jamais et se contente de sourire. On sait juste qu’il s’appelle Guylain, qu’il apprécie la compagnie de Jonathan, de façon réciproque car il ne le juge jamais et semble le seul à le comprendre, sans avoir besoin des mots. Comme un ange gardien silencieux toujours là quand il faut pour le tirer d’un mauvais pas. Pourtant, c’est vrai qu’il est agaçant, ce Jon, avec son arrogance et sa façon d’avoir réponse à tout. On a vraiment envie qu’il s’en prenne des baffes, ce petit con rebelle, indifférent aux remontrances de ses parents et de ses profs. Qui plus est talentueux au foot et beau gosse, il lui suffit de claquer des doigts pour mettre les filles à ses pieds. C’est l’âge bête et ça lui passera, se dit-on. Pourtant, ça ne passe pas, et même s’il lui arrive de se prendre des raclées, rien n’y fait. Mais qui se cache derrière cet ado frondeur et turbulent qui semble utiliser sa tchatche comme un bouclier ?

Amateur de foot et de rock, François Bégaudeau, l’auteur touche-à-tout d’Entre les murs, se serait-il inspiré de sa propre vie pour produire ce scénario ? Également enseignant en ZEP par le passé, il connaît bien les mômes des banlieues, et c’est sans doute ce qui lui a permis de brosser le portrait subtil de Jon, jeune d’aujourd’hui et ado atypique au caractère bien trempé. L’histoire qu’il nous narre est celle d’un être épris de liberté, avec ses failles, au-delà du gosse prétentieux et insupportable, et qui va peu à peu trouver dans le rock sa planche de salut, une fois brisé le miroir aux alouettes d’une carrière de footballeur.

Bien que sommaire voire désinvolte, le dessin est très efficace, avec une nervosité qui traduit bien l’impatience du personnage principal, Les mouvements et les postures des personnages sont parfaitement bien rendus, accompagnés par un cadrage approprié et sans esbroufe.

Ce one-shot se lit donc avec plaisir, mais mon bémol concerne la fin qui surprend sans surprendre tout à fait, une fin que j’aurais aimé plus percutante sans forcément faire dans la « grosse frappe ». En fait, l’histoire aurait peut-être tout simplement nécessité un second volet pour faire mentir cette vague impression d’inachevé. Bref, il manque un je-ne-sais-quoi, un tout petit quelque chose qui néanmoins ne suffit pas à m’empêcher de recommander la lecture.