La Maîtresse de Brecht
de Jacques-Pierre Amette

critiqué par Jules, le 6 novembre 2003
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un grand Goncourt ?...
Bon, voilà, j'ai lu le dernier Goncourt ! Ils ont raté « L’Etranger » et « Le voyage au bout de la nuit » Ils en ont décoré pas mal d'autres dont beaucoup sont déjà plus que bien oubliés… C'est ça, les prix littéraires… Normalement je ne les lis plus, ou seulement si quelqu’un me dit qu'il est vraiment très bien. Ici, c'est différent. Une copine me l’a offert lors d’un dîner chez moi, alors.
Et puis, il y a Brecht et Brecht ce n'est quand-même pas n’importe qui ! J’ai donc lu.
Une histoire simple. Brecht rentre d’exil aux Etats-Unis et arrive à Berlin Est en 1948. Il était parti en 1933 et il y avait urgence. Les autorités de l'Allemagne de l’Est sont bien contentes de le voir revenir, mais. Après son séjour aux U.S. a-t-il toujours une pensée correcte ?… Et puis, restera-t-elle dans la ligne du Kremlin, celle du brave Joseph, petit père des peuples ?. A voir.
Et rien de plus facile que de voir puisque notre Brecht est un gros consommateur de jolies femmes. Les services secrets lui collent donc une jeune actrice comme nouvelle maîtresse dans son lit et elle a pour mission de rapporter les moindres paroles du maître et de photographier ses écrits et ses notes. Elle s’appelle Maria Eich, a une petite fille qui vit à Berlin Ouest avec sa grand-mère, un père ex-nazi et un ex mari, ex nazi, qui vit au Portugal.
Ah, elle est jeune et vraiment très belle, Maria Eich ! Aussi Bertolt n’hésite pas une seconde !
Tout se complique quand-même un peu quand elle devient petit à petit amoureuse de Hans Trow, l'agent de la Stasi qui s'occupe d’elle. Quant à Brecht, elle a une certaine admiration pour lui au niveau artistique, mais de là à dire qu'elle est heureuse de devoir coucher avec lui… Mais voilà, Hans Trow est un handicapé des sentiments et elle a beau lui faire du charme, rien n’y fait.
Voici ce que pense l'intéressé : « Il se dit alors qu’il aimait Maria Eich, mais ce sentiment était comme un animal enfermé dans une cage… Dès qu’il pensait, à ce sentiment amoureux, il ne voyait que son incapacité à le transformer en acte…. C’était étrange de préserver un sentiment amoureux comme un vieillard qui contemple une pendulette sous un globe de verre et sort une clef d'or pour, avec soin, l'entendre sonner les heures, tinter, palpiter
dans son mécanisme infime. »
Brecht nous est présenté comme un homme assez brouillon, pas tellement intéressant, dépassé et pour le moins davantage consommateur de femmes qu’admirateur. En plus, il est malade et n’a plus que quelques mois à vivre. A se dire que la Stasi était vraiment paranoïaque pour coller plusieurs personnes autour de cet homme.
L’auteur nous montre également l'évolution de la situation politique en Allemagne de l'Est et prête ces paroles à Maria : « Embrigader, conclure, triompher. Interminables manifestations de masse, discours à la tribune, lâcher de colombes, slogans énergiquement entonnés, déclarations ronflantes dans des journaux, tracts, langues de bois, exterminations des classes bourgeoises, tablées de costumes gris, désignations d’éléments asociaux à éliminer, classes entières d'adolescents qui ânonnent des poèmes optimistes, portraits encadrés sous-verre de Staline ou de Wilhelm Pieck. Voilà le monde dans lequel elle évoluait. »
Pas une grande différence d'avec le passé !.
Ce livre est vraiment très bien écrit, c’est indiscutable. Par contre, l’histoire est mince et se traîne. Mon sentiment était partagé entre l'envie de le poursuivre ou de l’abandonner, tant je me doutais que cela n’allait fort probablement pas devenir plus prenant.
Mais l'auteur rend Maria très attachante et je crois que c'est elle qui est arrivée à me faire terminer ce livre.
Je le conseillerais ?. Non, mais je ne le déconseillerais pas non plus…
Aussi plat et froid qu'une limande passée sous un camion 5 étoiles

Ou c'est moi, ou j'ai vraiment pas de bol avec les Prix Goncourt (ici, 2003, l'année du centenaire du Prix, par ailleurs) en ce moment : troisième Goncourt d'affilée, après le Duras et le Maillet ("Pélagie-la-Charrette") que je lis et que je peine à finir (pour le Duras, en fait, je n'ai pas peiné, mais j'étais sacrément content d'arriver à la fin des 140 pages). Pourtant, encore une fois, c'est pas épais du tout, 250 pages en poche, pas la mort.
Et puis, celui-là, son histoire m'intéressait, j'ai donc vraiment été déçu, au final, à cause du style de l'auteur, très froid, presque clinique, avec des dialogues assez insipides... Ca m'a gâché le plaisir de la lecture. Pourtant, cette histoire d'une jeune actrice allemande engagée par la Stasi, en 1948, à Berlin-Est, pour espionner, de l'intérieur, l'entourage de l'écrivain et metteur en scène Bertolt Brecht, de retour au pays après 15 ans d'exil aux USA (il avait fui le nazisme, mais n'est vraiment pas considéré, en RDA, comme un communiste bon teint), et qui va devenir sa maîtresse, cette histoire est intéressante. La dépiction du Berlin de l'après-guerre, en aussi bon état que le Japon de la même époque (voir les deux romans de David Peace sur ce sujet), est réussie.
Mais, hélas, c'est lent, plat, froid... Je ne relirai pas ce livre.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 14 août 2021


Polaire. 6 étoiles

Dans ma quête du "bon Goncourt" (toujours dans l'impasse après 26 tentatives), je partais avec un bon sentiment car Brecht garde une place d'heureux souvenirs dans mon esprit.
Autant le dire tout de suite Clarabel et Jules ont dit l'essentiel avec doigté.
je voudrai toutefois citer une phrase navrante. (et il y en quelques-unes du même gabarit) :
"Maria pense qu'il fait beau !
"Elle dit :
"Demain il va faire beau.... (sic).

C'est froid, c'est glacé et ça décourage à la lecture.
Il est toutefois a noter que le livre incite à la réflexion.

Je termine par une citation un peu moins terne que la précédente :
"De ce troisième étage, avec la large vue sur Berlin , on ressent l’aspiration profonde du Temps. Il entraîne cette ville faite de chicanes, de barbelés, d’envols de canards sauvages, de cloches, d’étincelants soleils, de micros, de chantiers, d’hôtels, de façades creusées, d’écritures écorchées. Lettres de pierre. Imprimeries poussiéreuses. Hangars... (sic).

Monocle - tournai - 64 ans - 5 mai 2013


Il faut se méfier des Prix Goncourt ! 2 étoiles

Jacques-P. Amette est trop bien pensant et mou pour s'attaquer à ce genre de livre, c'est une chose oubliable.

Joachim - - 44 ans - 16 février 2008


Un Goncourt amer ... 6 étoiles

Il se dégage de "La maîtresse de Brecht" beaucoup de froideur, de tristesse et de mélancolie. Quelque chose d'irréversible, de fatal. Au coeur de ce roman de Jacques-Pierre, figure la jeune comédienne Maria Eich, au "coeur pur et ardent", qui rejoint l'étroite troupe de Brecht, le dramaturge qui rentre au pays après des années d'exil. Et Maria doit donc l'espionner, connaître le fond de ses pensées, cerner le personnage... Mais à quel prix ? Car dans le climat de l'après-guerre, dans un Berlin déchiré et scindé en deux partis politiques mondiaux, l'ambiance est grise, suspicieuse et implacable. On doit décrypter et trouver des indices, analyser des documents, décortiquer des photos, espionner, ordonner et trancher. C'est sec, direct et sans compromis. Maria joue donc un jeu dangereux, embarquée dans un engrenage dans lequel elle se sentira très vite dépassée. Pourtant elle n'a pas le choix : sa fille est soignée à l'ouest, son père et son mari sont des nazis fichés dans les dossiers. Et puis Maria veut la gloire, son nom en haut de l'affiche et Brecht est un homme admiré, respecté, courtisé. Autour de l'homme, il y a aussi son épouse, Hélène Weigel - pire qu'un glaçon ou une douche froide, elle n'a aucune pitié pour la jeune comédienne, la nouvelle égérie de Brecht, sa maîtresse. Dans l'ombre de Maria, il y a aussi cet homme qui lui donne ses ordres de missions, Hans Trow. Bienveillant et secrètement amoureux. Mais quel avenir pour tous ces pions d'un enjeu politique mondial ? Où la dignité humaine est balayée, où le monde des arts et des spectacles est scruté au peigne fin, où les amours ont si peu de valeur. Et ce Brecht que l'auteur nous présente de son écriture dépouillée : un rien nabab, loué, choyé et flatté. Tantôt méprisant, colérique et boudeur. Tantôt blessé, amer, vieillissant et affligé. C'est un roman bien songeur que voilà : "La maîtresse de Brecht" est bien écrit mais son contenu, terriblement glacial, exige une bouffée d'oxygène en fin de lecture !

Clarabel - - 48 ans - 27 novembre 2004


Correct 8 étoiles

Brecht. Maria Eich. Une histoire d'amour, mais pas réciproque. Espionnage. Communisme. Coucheries. Historique. Ecrit avec un style acceptable. Un bon livre. Il méritait le Goncourt. J'ai aimé cette histoire d'amour, compliquée et belle. Voilà.

Kim

Le petit K.V.Q. - Paris - 31 ans - 31 août 2004


Brecht presque intime 7 étoiles

La vie de Bertold Brecht m'a longtemps intriguée. Ses textes, mystérieux et universels, m'ont souvent transportée de plaisir, que ce soit en simple lecture ou adaptés au théâtre (souvenir plaisant de La Bonne âme de Se-Tchouan au Théâtre Vidy à Lausanne avec Romane Bohringer).
La polémique médiatique autour de l'attribution du Goncourt m'a fait lire Amette avec un peu de méfiance. Mais l'auteur était-il responsable de ce qui lui arrivait ? Bref... ce récit, c'est celui du retour d'exil de Bertold Brecht en 1948. Il quitte la Californie pour revenir à Berlin, qu'il a fui en 1933 après l'incendie du Reichstag. On lui fait un triomphe, il va pouvoir diriger enfin le théâtre de ses rêves (Le Berliner Ensemble), il est accueilli en héros par la foule mais derrière les masques, les autorités se méfient de lui et de ses idées. Il faut le surveiller et pour se faire, rien de tel qu'une femme, belle de préférence, Maria Heich, une apprentie comédienne qui doit jouer dans sa pièce Antigone et devient sa maîtresse. Une espionne qui épie ses moindres faits et gestes.
On pourrait penser au premier abord qu'il s'agit d'une biographie ou d'un essai historique, mais ce n'est pas vraiment ça, trop d'ambiances et d'attitudes dans ce livre qui tient du roman. Amette parle beaucoup de Brecht, mais aussi de la guerre, de Berlin, des sentiments des gens et puis de Maria, qui n'a eu aucun mal à séduire Brecht, grand amateur de jolies jambes. Jolis portraits sous la plume de Amette : Maria, Brecht, la Stasi et puis le lecteur, qui assiste, extérieur, à ce complot contre l'écrivain, un homme que l'on découvre moins heureux qu'en apparence. Il revient en triomphateur, soit, mais il est amer et la vie l'insupporte. Pas de grands exposés détaillés et c'est tant mieux, les pistes sont tracées, à nous de les emprunter et d'imaginer ce qui se trame dans la tête de chacun. Puis ce brio pour décrire l'ambiance et le moral d'une époque, d'une ville, d'un système politique. Pas facile.
Le livre de Jean-Pierre Amette a bénéficié d'une mauvaise campagne publicitaire à cause d'un Goncourt maladroit, c'est dommage, il méritait mieux que ça.

Sahkti - Genève - 50 ans - 30 avril 2004


Pas envoûtant 6 étoiles

Le livre de Monsieur Amette s'inscrit dans la lignée des prix Goncourt: très bien écrit, inspiré par une période historique et des personnages connus. (le dramaturge Brecht)
Bref, là est l'essentiel, mais où est la poésie, où est le rêve ??
Peut-être dans son prochain livre; mais ne poétise pas qui veut...
Pour résumer, je pense qu'il n'y a rien à reprocher à ce livre par rapport au sujet traité; simplement il ne me convient guère même si j'en reconnait les qualités.

François-Marie Arouet - - 55 ans - 6 mars 2004


Un livre sombre... 1 étoiles

Je n'ai guère apprécié ce livre, tout d'abord en raison du contexte historique et de l'organisation de la société durant cette période. Ne parlons même pas de politique ! Au-delà de ces considérations purement idéologiques j'ai detesté les rapports qu'entretient Brecht dans le roman avec les femmes. Ce sont les chiennes de garde qui doivent se retourner dans leur chenil !!! Ce Brecht dans le roman n'est rien d'autre qu'un horrible goujat. En tant que poète et grand amoureux des femmes cela ne passe pas. Je comprend la colère de certaines vis-à-vis des hommes.

Sebastien - - 58 ans - 5 mars 2004


Critique éclair parce que c'est le 100ème 7 étoiles

Ce livre est "Ni bon ni mauvais"... voilà la pensée d'un journaliste à la télé, et je suis d'accord.
Et je pense que cela résume aussi ce que Jules a écrit, si je peux me permettre.
Mais Mr Amette semble être un honnête homme, et peut-être n'y avait-il que lui, cette année, à mériter ce prix.

Nevermore - Rennes - 42 ans - 20 janvier 2004


Pfffff....Mwais 7 étoiles

Pour une fois j'ai lu le Goncourt. Pfffff. C'est vraiment parce que j'ai que ça à faire ! Un peu roman d'amour, un peu récit biographique, un peu roman d'espionnage, un peu historique, un peu de tout en somme avec un arrière goût de "nouveau roman"... Maria Eich reste un personnage sans relief et finalement peu crédible.... Heureusement, c'est bien écrit, il y a même quelques belles envolées littéraires...
Le Goncourt 2003 ? Pas un grand cru, mais pas de la piquette non plus.... Le genre de bouquin qu'on oublie presqu'aussi vite qu'on l'a lu.

Patman - Paris - 62 ans - 7 janvier 2004