Défaut d'origine
de Oliver Rohe

critiqué par Kinbote, le 5 novembre 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Roman anonyme
Le narrateur rejoint dans son pays natal un ami quitté dix ans plus tôt et qui va infester tout le discours qu’il va tenir durant le voyage en avion à côté d'un voyageur importun.
« Je dois avouer que plus je pensais à Roman moins bien je me portais, plus ses monologues défilaient en jet continu dans mon cerveau, moins j'entendais ma propre voix. » On le voit, l'ami perdu de vue s’appelle Roman et ledit roman, très connoté donc, se veut la démonstration d’une thèse. Rien ne nous assure de notre singularité : ni notre pays d’origine, ni notre langue natale, ni nos pensées, ni notre volonté, ni l’imagination, ni nos blessures pas plus que celles de notre peuple. « Etre soi-même, nous dit-on doctement, très doctement même, être soi-même ou découvrir qui nous sommes ou devenir ce que nous sommes, voilà l'immense triple mensonge auquel nous avons mortellement droit depuis des années et des années. (... ) Et il vaudrait mieux, il vaudrait même largement mieux que l'on s’emploie au contraire passionnément à ne pas être soi-même, à être précisément tout, mettons une table, un chien, un autre, plutôt que soi même. »
Notre passé, notre vécu, le compte-rendu de notre vie nous identifieraient davantage? « Quinze minutes suffisent pour raconter une vie, c’est même beaucoup trop, elles se ressemblent toutes tellement. »
Qui plus est, Roman était un admirateur de Thomas Bernhard (le titre même est un clin d’oeil à « L'origine », premier volet de son autobiographie), et le texte qu'on lit est un pastiche avoué des idées et du style de l'écrivain autrichien.
Au total, un roman qui touche son but : celui de paraître anonyme, sans marque de singularité, mais peu attachant aussi. Un parti pris assumé. Une réussite dans son genre. En tout cas, un jeune auteur à suivre.
A signaler au moins cette appréciable singularité : ce premier roman est offert en format de poche (chez Allia).