Les yeux bandés
de Siri Hustvedt

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 2 novembre 2003
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Patchwork
La première partie de ce livre qui en comprend quatre (non chronologiques), nous raconte comment Iris, jeune étudiante qui cherche un petit boulot pour payer son loyer, rencontre un homme énigmatique.
Monsieur Morning lui confie une petite boîte qu'elle ne peut ouvrir que chez elle, accompagnée d’un magnétophone.
Son job, si elle l'accepte, est de décrire l'objet qui s'y trouve.
Mission impossible ?
C’est un gant blanc, maculé, qu’elle commence donc à envisager sous tous ses aspects.
Elle chuchote dans le micro, selon les instructions précises de son employeur.
Employeur qui, à l’écoute de la cassette, est satisfait malgré que l’odeur ne soit jamais évoquée.
Intriguée, Iris veut savoir quel objectif poursuit Monsieur Morning : il veut des descriptions les plus objectives possibles de ces objets qui ont appartenus à quelqu’un dans le but de connaître cette personne elle-même.
Dans le deuxième acte, Stephen, le petit ami d’Iris, lui présente Georges, un de ses amis photographe.
Iris accepte de poser pour lui.
Le résultat l’effraie. Depuis qu'elle a vu la photo, elle ne se sent plus elle-même.
Sur la photo, c’est elle, mais ce n’est plus elle, comme si la photo lui avait volé son identité.
C'est à l'hôpital que se déroule le troisième acte : Iris est assaillie par des maux de tête constants et jusqu'ici, aucun médecin n’a pu la soulager.
Ses deux compagnes de chambre, dont l'une est quasi folle, lui laissent peu de répit...
Le quatrième volet est de loin le plus intéressant.
Tout d’abord car il fait enfin le lien entre ce qui semblait décousu jusqu’à présent.
J’avais plutôt l'impression de lire trois nouvelles indépendantes à l’héroïne commune.
Heureusement, ce quatrième volet remet les autres dans l'ordre chronologique, et apporte une nouvelle histoire qui emballe le tout.
Iris, bien avant les trois épisodes évoqués, travaille pour un de ses professeurs à la traduction d'un petit livre allemand.
Ce roman se penche sur Klaus, petit garçon sage qui mène en esprit une seconde vie, beaucoup moins sage celle-là : il se voit commettre le mal…
Iris est troublée, sans pouvoir en identifier la raison.
Petit à petit, Iris elle aussi va se mettre à mener une vie parallèle, mais bien réelle celle-là, pas imaginative.
La nuit, elle enfile un costume masculin et se promène dans la ville, traversant des quartiers louches, entrant dans des bars qu'elle n’aurait pas même osé regarder du coin de l’oeil en temps normal.
Que lui arrive-t-il ?
Elle maigrit, se rase les cheveux.
Les quatre parties ne se valent pas.
La dernière remporte la palme car elle est la plus aboutie.
Mais.
Le style y est, la créativité y est, l’intelligence y est.
Mais…
Mais quoi, au juste ?
Ce petit rien qu’on attend et qui, ici, arrive trop tard ; la farine qu'on incorpore pour que la sauce prenne alors qu’elle risque de tourner.
Le cuistot a choisi les bons ingrédients mais ce sont ses premiers plats, on peut comprendre les maladresses…
Les repas ultérieurs seront de vrais festins, c’est qu'elle s’est fait la main, la cuisinière !
des nouvelles qui n'en sont pas 8 étoiles

J'ai adoré ce croisement entre les premières parties du bouquin et la dernière partie. Naïvement, je n'ai pas directement compris l'avancement de cet ouvrage, préférant le découvrir à l'aveugle, et y découvrant de "simples" nouvelles. Cet emboitement est mené avec finesse. La description des personnes et de leur sentiments y est précieusement menée.

Pandorette - Bruxelles - 47 ans - 26 mars 2007