La guerre de Cent ans
de Auguste Bailly

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 1 septembre 2014
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
L'Histoire comme un roman
Dans cet excellent petit livre, de même pas 300 pages, Auguste Bailly nous raconte par le menu l'enchaînement de toutes les péripéties de la guerre de Cent ans. Il commence par expliquer la controverse à l'origine du conflit et, disons-le tout de suite : on peut lire entre les lignes, qu'en bon Français, Auguste Bailly tient pour la France.

Auguste Bailly va à l'essentiel en racontant les événements mais il sait passionner son lecteur en restituant l'esprit du temps ; il raconte comment bat le cœur des populations et rend palpable ce qu'aujourd'hui on appellerait l'opinion publique. Il sait dramatiser son récit quand il raconte les malheurs qui s'abattirent sur la France, avec une touche de pathos quand il parle des Anglais qui pillèrent le pays et de la « peste noire » qui tua un Français sur deux.

Ses personnages sont toujours précédés d'un portrait psychologique qui explique leur comportement et qui les rend, soit attachants, soit détestables. Écoutez comment il présente la ravissante petite fiancée de Charles VI : « ...cette enfant souriante , émerveillée de son sort, charmait par sa grâce et son ingénuité tous ceux qui l'approchaient. Elle était petite, menue, mais très bien faite, d'une extrême fraîcheur et douée de cette sorte d'attirance à laquelle aucun homme ne résiste... N'ayant pas l'expérience de l'amour, elle conservait une réserve qui enflammait les désirs de son fiancé.» Il me semble qu'on ne la verrait pas mieux dans un portrait de Van Dyck ou de Rubens.

Auguste Bailly ne juge pas, il décrit, il raconte. Mais l'historien le plus objectif ne peut cacher ses préférences : Auguste Bailly aime la monarchie française parce qu'il aime la France. Mais ça ne l'empêche pas de stigmatiser les mœurs dépravées de la Cour des Valois et de dénoncer la bêtise et la lâcheté de certains personnages couronnés : « Jean le Bon, dit-il, avait la supériorité du nombre, il pouvait livrer bataille, il le devait, il ne le fit pas ». Tout est dit et Jean le Bon apparaît dans toute son indolence et sa bêtise.

Les émeutes à Paris sont racontées avec certains détails qui en disent plus long qu'un long discours : « ...les émeutiers s'attaquaient aux nantis. La technique était partout la même : sous les murs, la foule s'amassait, armée de piques ; par les fenêtres, les émeutiers lançaient les habitants qui s'abattaient sur les pointes tendues, et étaient ensuite déchiquetés, au milieu des cris de joie... ».  

Comme toujours dans les périodes les plus troublées de l'Histoire, il apparaît des personnages extraordinaires et extravagants, et son livre est une invitation à mieux faire leur connaissance : les Charles le Mauvais, Étienne Marcel, les ducs de Bourgogne et combien d'autres... méritent à eux seuls la lecture d'une biographie personnelle.

Et puis, il y a Jeanne d'Arc ! Il aime et admire Jeanne d'Arc, ça, il ne peut le cacher : « Tout à coup dans un rayonnement de légende et de miracle, est apparue la personnalité mystérieuse, surhumaine, irrésistiblement attirante, de cette fillette inspirée, qui soulevée par l'amour et la foi, allait rendre un roi à la France et ranimer dans tous les cœurs l'espoir et la volonté de vaincre ».
Ce qu'il en dit est, à mon avis, l'objectivité même : ce qu'elle a réussi tient du miracle – étant bien entendu qu'un miracle ne se démontre pas et que, par contre, il peut toujours s'expliquer au prix de démonstrations qui vont jusqu'à la mauvaise foi, si on prend l'a priori de nier l'évidence.

Les historiens comme Auguste Bailly racontent l'Histoire à la manière d'un roman, qui serait truffé de personnages comme un romancier oserait à peine les imaginer. Il se met à la portée de tous. Son écriture est un régal. Ses explications sur les péripéties, parfois très compliquées de cette guerre de Cent ans, sont toujours claires et accessibles à tout lecteur.

Ah ! Si nous avions eu des prof d'Histoire comme Auguste Bailly, quand nous étions sur les bancs de l'école à lutter contre l'ennui, je crois que nous serions tous devenus des passionnés d'Histoire !

Ajoutons, pour finir, que ce livre comporte une chronologie des événements, indispensable pour nous tous, qui n'arriverons jamais à retenir par cœur toutes les dates et faits majeurs de cette extraordinaire page d'Histoire. Une des plus terribles et des plus noires que la France n'ait jamais connues.