La Grande Nuit
de André-Marcel Adamek

critiqué par Lucien, le 2 novembre 2003
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Le loup humain
Il sait raconter une histoire, André-Marcel Adamek. C'est la première qualité de ce livre que l'on dévore, un peu comme une BD, pour «savoir la suite». Pas d'artifices savants, pas de subtilités néo-romanesques : la vieille illusion narrative fonctionne encore.
Malek et Marie visitent la grotte de Château rouge, quelque part dans les Ardennes belges. Chacun de son côté. Elle, une petite vieille solitaire et souriante. Lui, un homme jeune, marié et père d'une petite fille, qui visite seul la grotte suite à une absurde scène de ménage. Malek et Marie prennent place à la même table, boivent elle un thé vert, lui un cognac, bavardent un peu. Jusqu’au moment où Malek sent le danger, le flaire littéralement comme ces animaux sauvages qu'il a pour profession d’étudier. C'est alors que la terre tremble, que Malek a juste le temps d’entraîner Marie sous l'abri robuste de la lourde table formée d’épaisses dalles de schiste. Et puis, comme dans la chanson de Nougaro : «C'était passé, j’y comprends rien ; y avait une ville, et y a plus rien.»
Y avait une grotte, et y a plus rien. Malek et Marie sont les uniques survivants de ce tremblement de terre provoqué, nous l'apprendrons bientôt, par une explosion nucléaire, quelque part à l’est. Guerre ? Accident ? Adamek ne répond pas. Peu importe la cause, quand l'effet est épouvantable. Un peu partout, en Belgique et dans le nord de la France, d'autres Marie, d'autres Malek ont échappé au désastre. Par chance. Ou par malchance ? Combien de temps survivront-ils dans cet univers irradié où l’on ne peut survivre qu'à l'aide de boîtes de conserves, où la nourriture fraîche est devenue poison ? D’un peu partout, ils sortent de leurs trous, les survivants, qui se dirigent, instinctivement ou par calcul, vers l'endroit où ils espèrent pouvoir retrouver des conditions de vie meilleure, reconstruire quelque chose comme une humanité. Vers la mer où naquit la vie, très longtemps avant. Vers la Normandie. C’est vers la mer que convergeront les chemins de Méduse, la femme soldat, de Mi et Fa, les inquiétantes plongeuses, de Laury et Colasse les hommes ordinaires, des «gros» qui furent protégés par leur graisse, de Lilla la brune et d’Héloïse la blonde, de la petite Tinou et du chien Gris Nez. Brutes et tendres, fauves et proies…
Dans le genre « anticipation », le thème choisi par Adamek n'est pas d'une puissante originalité, mais la comparaison entre le comportement humain et les mœurs animales, grâce aux extraits insérés de l’ouvrage d’Anton Malek, «L’instinct de meute», jette une lumière intéressante sur l'aventure. Si le livre vaut surtout par le suspense qu'il réussit à ménager pour pousser le lecteur un peu plus loin vers la mer, vers l'ouest, vers le dénouement, nous y trouverons aussi, pour la ixième fois reformulée, la vieille et terrible constatation de Plaute : «Homo homini lupus».

L'année commence bien ! 9 étoiles

Quelques personnes visitent une grotte du côté de La Roche (Belgique). Soudain, un tremblement de terre accompagné d’un vacarme : tout s’effondre autour d’eux, dont les passerelles. Anton Malek et Marie, une vieille dame, se rendent vite compte qu’ils sont les seuls survivants et pire encore, qu’ils ne peuvent compter sur aucun secours car, à la surface, tout est anéanti par une déflagration nucléaire globale. Marie finira seule, « oubliée « par Malek.
Tout au long de cette histoire fantastique mais réaliste et surtout crédible, nous ferons la connaissance d’autres survivants. Méduse, une femme officier et ses deux soldats, les jumelles Mi et Fa, et sur la côte d’Opale ( France), d’autres rescapés, des contaminés et d’autres qui ne le sont pas ( les gros) , Tinou et le chien Gris-Nez, et un peu plus loin dans le récit, Do, l’enfant de Méduse, les mains et les pieds palmés, les yeux à jamais clos, …
Ah oui ! Pour les âmes sensibles, Mi et Fa s’adonnent voluptueusement au cannibalisme, mais de façon si délicate que « cela « passe très bien …

Une histoire très agréable, captivante jusqu’au bout, et qui, heureusement, ne verse pas dans ce qui arrive le plus souvent dans ces romans de style « science-fiction «, à savoir le ridicule pathétique …

André-Marcel Adamek, de son vrai nom Dammekens, né à Gourdinne, le 3 mai 1946, et décédé le 31 août 2011, après de longues années de maladie, est un écrivain belge d'expression française.
L’année commence bien ! A suivre …


Extraits :

- « - Il n’a poussé aucun cri, on aurait dit un brame. Il n’a même pas souffert. «
« - Le lendemain matin, on l’a vidé de ses boyaux qu’on a enterrés plus loin. »
« - On voulait goûter le cœur pour commencer, mais la chair était beaucoup trop dure et on a dû le jeter. »
« - Le premier jour, on a mangé les doigts et le sexe. On avait lu quelque part que ce sont des morceaux de choix. «


- Avez-vous jamais entendu un médecin prescrire une lecture ou vous recommander d’aller au théâtre ? Marchez, pédalez, suez, buvez de l’eau, soyez sain ! Et méfiez-vous de plaisirs qui tuent ! Dès que vous éprouvez une impression qui se rapproche de la jouissance, c’est que vous êtes sur la mauvaise pente.

Catinus - Liège - 72 ans - 5 janvier 2014


André-Marcel Adamek un "Homère" vivant. 6 étoiles

"La grande nuit" est une merveilleuse histoire de survie écrite par André-Marcel Adamek. Ce livre, très original a remporté le Prix des Lycéens en 2005.

Le rythme des phrases est soutenu, il ne fatigue jamais. Ce roman m'a accroché dès les premières pages. La manière dont l'auteur écrit, explique et analyse les choses, fait de lui un "Homère" vivant.
L'intrigue est très originale. Certains événements sont choquants, mais cela rend l'ouvrage si marquant. L'écrit est violent mais en même temps éducatif. Les survivants s'organisent comme ils peuvent et essaieront de créer un monde meilleur.
Enfin la solidarité est le message que l'auteur veut nous donner pour qu'on puisse vivre mieux. Cela ne sera sûrement pas le dernier livre que je lirai de cet auteur !

Anonymus - - 28 ans - 18 novembre 2013


Après l’apocalypse 7 étoiles

Il est difficile d’imaginer ce que serait le monde après une catastrophe nucléaire majeure. Les cas récents de Fukushima ou moins récent de Tchernobyl donnent une idée des conséquences locales, mais à une échelle planétaire, certains auteurs de fiction s’y sont risqués.
Si j’avais estimé complètement abracadabrant le navet de Cormac Mac Carthy dans « La route », ici Adamek présente une situation plus plausible. L’auteur évite encore de donner des explications sur les causes de ces événements bien que certains personnages tendent à faire des suppositions. Un lecteur trop cartésien risque par contre de ne pas s’en satisfaire.
Dans ce roman choral, l’intelligence de l’auteur a été d’associer plusieurs personnages adultes qui s’interrogent eux-mêmes sur le cataclysme et la manière de s’en sortir. Il reste prudent, voire évasif sans faire des descriptions hasardeuses de ce que seraient le sud de la Belgique et le nord de la France après un tel événement.
On y retrouve évidemment certains clichés de ce genre de récit comme la prise du pouvoir par le religieux, le cannibalisme et l’instinct animal de l’homme qui se réveille.
Adamek commet heureusement une œuvre accessible, sans à aucun moment sombrer dans l’excès et en usant d’un style fluide qui se lit avec plaisir. On n’est pas dans les hautes sphères littéraires mais cette lecture est très divertissante.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 23 juin 2013


L’homme est un loup pour l’homme 8 étoiles

A nouveau, voilà la preuve que la littérature belge peut être de réelle qualité ! Le lecteur est instantanément happé par le suspense, secondé par le style particulier d’Adamek, particulier en ceci qu’il est à la fois simple et riche. A moins d’être volontairement aveugle, sourd et idiot, il est clair qu’Adamek fait la part belle aux interpellations à propos de la nature humaine et du type de société que nous voulons. L’individu a des idéaux, mais que deviennent-ils lorsqu’il est en groupe ?

En l’occurrence, les survivants d’une catastrophe ont la chance de pouvoir reconstruire une société de A à Z. On espère qu’ils tiendront compte des erreurs du passé, et que la nécessité de faire perdurer la race pourra se conjuguer avec le respect de l’autre, avec la démocratie. Mais la perfection n’est pas humaine et l’homme a une fâcheuse tendance à se saboter lui-même…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 20 juin 2005


Le Temps du loup 7 étoiles

Adamek est un fameux conteur. Il nous livre l'histoire de Anton Malek (Malek... Adamek...), un spécialiste des loups qui passe son temps à les observer et établit des comparaisons intérieures avec les attitudes humaines. Alors qu'il visite une grotte avec des amis, Malek est pris dans une catastrophe indéterminée (on dirait un tremblement de terre) qui le laisse pour seul survivant, avec Marie, une vieille dame très sympathique. A sa sortie de la pénombre, il s'aperçoit que la région est dévastée, tout a été détruit, c'est le désastre. Malek décide de fuir ces zones ravagées (il y a eu une explosion nucléaire), il prend la direction de la Manche avec Marie à bord d'un vieux side-car pourri, ils croisent en chemin des rescapés et retrouveront d'autres survivants à leur arrivée en Normandie (cette ambiance ressemble beaucoup au film de Hanneke, Le temps du loup).

Pas de science-fiction dans l'écriture d'Adamek, il tente d'être le plus réaliste possible, sans effets spéciaux, seul l'Homme compte, lui et sa condition, le reste n'est que décor devant servir à faire ressortir ce que nous avons au plus profond de nous. Et rien de tel qu'un beau cataclysme pour expurger nos âmes et nos corps de leurs vices les plus vils. Violence et folie sont au rendez-vous. Je pense aux jumelles lesbiennes Mi et Fa qui tuent par amour du cannibalisme, ou au viol de Méduse, un acte barbare qu'elle vengera en dégommant les deux coupables à la mitrailleuse. Un viol dont naîtra un enfant, faible lueur de vie et d'amour dans un récit noir et pessimiste, par lequel l'auteur nous indique avec beaucoup de subtilité que loup et homme se ressemblent.
Un semblant de communauté se met en place, il faut survivre, faire marcher la solidarité, mais très vite, les bas instincts humains prennent le dessus et les rivalités s'installent, la justice primaire est rétablie (lynchages et exécutions), le massacre est au rendez-vous.

Sahkti - Genève - 49 ans - 5 mai 2004


Retour vers le futur 8 étoiles

L'homme s'est détruit, il a tout détruit. Quelques survivants, à ce Fléau qu'est le nucléaire. Irradiés, pelés, brûlés, ces rescapés de la malchance se regroupent dans un élan de solidarité, de compassion et d'espoir.
Mais la Bombe, la vraie, c'est la bombe humaine. Le Fléau, le vrai, c'est l'homme. Qui n'échappera pas à sa nature, égoïste et dominatrice.
De l'échantillon de la race humaine laissé pour compte dans une gigantesque arche de Noé ressortent ces personnages mis à nu, libres de leurs pulsions et libres de les dominer ou pas.
Et c'est la magie de la narration cohérente et sincère qui donne à ce roman, parsemé de cruelles vérités dégagées du chaos, tout son sens et sa qualité.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 9 février 2004


Devancé une fois de plus ! 10 étoiles

Tu as tout dit Lucien...Moi qui me faisais une joie de critiquer ce nouveau livre d'Adamek !
Vous savez tous l'admiration que j'ai pour son oeuvre...J'ai terminé la lecture de cette "Grande Nuit" il y a quelques heures à peine...dévoré d'une traite ! Un nouveau grand livre d'Adamek dont la pureté de langue et le sens du mot "juste" reste intact ! En plus je viens de commencer "Villa Théodore" dont je vois que la critique est là aussi ! Doublement devancé !...Mais je suis heureux de voir que d'autres que moi lisent du "belge" !

Patman - Paris - 61 ans - 6 novembre 2003