Eté
de Edith Wharton

critiqué par Saule, le 31 octobre 2003
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
Wharton change de registre
Cette fois Edith Wharton quitte le monde de la haute société new-yorkaise pour un petit coin reculé de la Nouvelle-Angleterre et une jeune femme qui découvre l'amour et la sexualité. Un livre courageux pour l'époque (il a été publié en 1927). On dit en outre que de tous ses livres, c'était le favori de Wharton.
Charity Royal est bibliothécaire dans un petit village reculé au pied des montages. C'est une enfant de la montagne, elle fut recueillie à 5 ans par Mr Royal qui devint son tuteur. On ne se prive pas au village de lui rappeler ses origines douteuses, jusque dans le choix de son prénom qui lui remémore la dette qu'elle a envers son tuteur. Les gens de la montagne sont en effet considérés comme étant une bande d'arriérés non-civilisés.

Lorsque Lucius Horney, un jeune homme de la ville, pénètre dans l'existence de la jeune fille sa vie change : elle découvre l'amour, c'est l'éveil de la sensualité et la passion qui la submerge. Etalée sur les trois mois d'un été, cette passion est calquée sur l'évolution du temps : éclosion d'un amour pur et sans nuage qui arrive au firmament et se transforme en passion alors que l'été est à son apogée, pour se terminer aux frimas de l'arrière-saison.

Les élans passionnés du jeune couple sont juste évoqués, tout est dans la suggestion (n'oublions pas qu'on est en 1927); cela semble un peu vieillot à notre époque où la plupart des livres abondent en scènes chaudes. Pourtant, comme souvent, la sensualité sous-entendue n'en est que mieux exaltée (un peu comme dans la scène du fiacre de Madame Bovary).

Les personnages sont complexes. Comme toujours chez Wharton, ils doivent faire face à la pression sociale de leur milieu. On nous suggère bien que Charity, enfant de la montagne, n'est pas assez "bien" pour Lucius Harney qui vient de la ville. Et Mr Royal, figure dominante de père qui oscille entre le bien et le mal, apparaît parfois bien faible par rapport à sa protégée. Charity devra-t-elle payer pour son bonheur ? Lucius sera-t-il à la hauteur du formidable amour que lui porte Charity ? Et finalement qui est le bon et le mauvais dans cette histoire ? Certaines questions ne trouvent leurs réponses que tout à la fin, d'autres restent sans réponses dans ce livre où le lecteur est en bonne partie livré à lui-même.

On ne retrouve pas dans ce livre l'humour habituel de Wharton, le sujet est grave et finalement pessimiste. Le talent de l'écrivain est évident, elle décrit aussi bien les états d'âme d'une jeune femme amoureuse que les frémissements de l'été dans une région sauvage et belle. Ses évocations de la montagne et des ses habitants m'ont laissé un léger malaise (pour ceux qui connaissent, cela m'a fait penser au terrible film "Délivrance" avec Burt Reynolds).
A bittersweet story 10 étoiles

Voici ma première lecture d'édith Wharton, qui m'a surprise par la qualité de son style, très fluide et sans détails ou longueurs superflus..juste ce qu'il faut pour donner toute leur ampleur aux personnages.
Charity Royall est une bien séduisante petite jeune femme, pleine de courage et d'orgueil, mais en même temps, en raison de son origine misérable, assaillie de doutes qui hypothèquent en partie son avenir tel qu'elle pourrait le rêver..
Dans cet été lumineux, je me suis laissée bercer par le bel amour de beaux jeunes gens en me demandant quand même au milieu du livre si tout cela n'allait pas être un peu trop convenu pour faire un bon roman ( de ceux que l'on retient). Heureusement, j'ai trouvé le final très bon, car personnellement je ne m'y attendais pas,et ayant suivi avec beaucoup de bienveillance cette héroïne , j'avoue avoir du mal à m'en remettre!!

Roone - Lyon - 45 ans - 20 janvier 2015


Et aussi... 8 étoiles

Je suis parfois frappé de voir des amis ou amies autour de moi découvrir un grand auteur dont ils n'avaient jamais rien lu et ne pas aller plus loin. Exemple "Les mémoires d'Hadrien" et ne pas lire d'autres Yourcenar par la suite. Ou "Le voyage au bout de la nuit" et ne pas lire d'autres Céline. Bien sûr on ne lit pas quatre Yourcenar d'affilée ni deux Céline. On fait un break et on lit autre chose. Mais bien souvent je ne trouve qu'un seul livre d'un grand auteur dans une bibliothèque. Cela ne veut pourtant pas dire que l'on n'a pas aimé. Alors que, de mon côté, si je lis trois ou quatre autres auteurs entre-temps, je retourne après vers un autre livre de l'auteur que j'ai aimé avant. Dès que cet auteur sort un nouveau livre, je l'achète et je m'arrange pour le lire assez vite, car je suis impatient. En principe je me dis que je ne peux pas me tromper et que j'ai un bon livre à lire devant moi. Je suis assez rarement déçu, alors que dans mes tentatives de recherche de nouveaux auteurs il est fréquent que je me trompe et que je jette mon argent par la fenêtre. Mais il faut essayer évidement. A chacun sa façon de lire et Pennac défendait très bien cette idée dans "Comme un roman" C'est pourquoi, quand je vais chez quelqu'un où il y a une bibliothèque, je ne peux m'empêcher de regarder ce qu'il y a dedans. C'est une façon comme une autre d'apprendre quelque chose sur cette personne...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 5 novembre 2003


Ecrivains fétiches ? 8 étoiles

En réponse à Jules : pourquoi est-ce qu'un écrivain devient notre écrivain fétiche ? Probablement une question de sensibilité mais dans le cas de Wharton aussi une question de style et d'humour : elle me fait rire, ses tournures de phrase et ses expressions sont un régal.
Je trouve aussi amusant les séries. Il y en a des fameuses, par exemple : Harrison (14), Yourcenar (15), Perec (15),... on découvre les auteurs mais aussi les goûts des autres critiqueurs et c'est très amusant.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 4 novembre 2003


Décidément... 8 étoiles

Il semblerait que mon copain Saule ait trouvé en Edith Wharton un des écrivains qui représente pour lui ce que Yourcenar, Camus ou Céline représentent pour moi. A quand Henry James ? ...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 4 novembre 2003