Un roman grec
de Lucie Ledoux

critiqué par Libris québécis, le 28 août 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Vivre dans un quartier multiethnique
La famille Labonté habite dans la rue Bloomfield du quartier cosmopolite de Montréal. Née en 1966, la petite héroïne, alter ego de l’auteure, se sent à l’aise parmi les Grecs, composant, à l’époque, presque majoritairement la paroisse Saint-Roch.

Elle aime en particulier les mamans, tout de noir vêtues, qui roulent la pâte « des baklavas carrés, ronds, triangulaires ou en forme de cigare, des torsades au miel et de gigantesques œufs enveloppés dans un papier coloré ». Petite, Lucie partage la vie des enfants grecs au point de se considérer comme l’une des leurs en répondant « Kala, efkharîsto » (Très bien, merci.) aux « Ti kanètè » (Comment vas-tu ?). Son cocon hellénique est malmené quand sa parenté désavoue la mentalité de ce peuple, toujours prêt à organiser des fêtes homériques pour célébrer tout événement qu’il juge important. C’est au cœur des familles que naissent les suspicions responsables du racisme. Quoi qu’il en soit, ça ne suffit pas pour altérer les bons sentiments de Lucie à l’égard de ces immigrants bien adaptées au Québec.

Son bonheur est plutôt court-circuité par la maladie mystérieuse de sa mère. Maladie tenue secrète pour ne pas l’effrayer. Décision malencontreuse, qui décuple son angoisse, déjà entamée par l’alcoolisme de son père, un client assidu de la taverne Pam Pam (bar réservé aux hommes). La situation s’annonce catastrophique pour l’apprentissage de cette fillette à la sensibilité à fleur de peau. C’est à l’âge adulte seulement que la rédemption se pointe avec l’amour des mots, instigateur de ce roman thérapeutique, qui lui sert à tourner la page sur une jeunesse acculée à un cul-de-sac. Ce canevas appuie une revisite de la formation de l’identité dans un cadre familial carentiel implanté en milieu multiethnique. Difficile de se guider si l’on est privé d’une bouée pour aborder à un nouveau rivage.

L’intérêt de ce roman d’initiation est soutenu par une toile de fond, qui témoigne d’un quartier énigmatique même pour les Montréalais. Apparenté plutôt à un journal personnel, il verse cependant dans le mélodrame aux dépens d’une analyse psychologique et contextuelle plus approfondie. Mais grâce à son don de conteuse et à son authenticité, l’auteure sauve cette trop courte œuvre in extremis de la mièvrerie.