Mémoires de guerre : Tome 2, février 1941-1945
de Winston Churchill

critiqué par Fabrice, le 19 août 2014
( - 39 ans)


La note:  étoiles
Mémoires de guerre - suite et fin
1941 : Hitler règne sur le Reich, le Benelux, la France, une partie de la Scandinavie, la Pologne, la République tchèque, une partie de l'Afrique du nord... L'Angleterre est parvenue à rapatrier son corps expéditionnaire à Dunkerque et a survécu tant bien que mal au Blitz. Pour autant, elle est seule face à une Allemagne puissante et violente et une Italie complice. Elle doit protéger ses importations des U-boots, combattre seule en Grèce et en Afrique du nord, se prémunir contre une éventuelle invasion...
C'est sur cette année terrible et noire, peut-être une des plus sombres de l'histoire moderne de l'humanité, que s'ouvre le deuxième tome des Mémoires de Guerre de W. Churchill. Mais 1941 porte aussi en elle les germes d'une victoire : la Russie soviétique entre en guerre en juin après le début de l'invasion allemande, et les Etats-Unis en décembre à la suite de l'attaque de Pearl Harbor par l'aviation japonaise.
On suit alors le Premier ministre de conférences interalliées en rencontres au sommet avec Staline et Roosevelt, de déplacements sur les différents théâtres d'opération à...son lit, d'où il consulte les dépêches et rapports, dicte lettres et télégrammes et mène la guerre au nom du peuple britannique.
Ce deuxième tome constitue une synthèse de qualité sur la seconde guerre mondiale. On lira avec un intérêt les retranscriptions des échanges du Premier ministre du Royaume-Uni avec Roosevelt et Staline. De même, Churchill décrit avec brio la manière dont l'Union soviétique, à mesure que l'Armée rouge regagne du terrain en Europe orientale puis centrale, impose sa mainmise sur des Etats tout juste libérés de l'occupation hitlérienne, le cas le plus évocateur étant celui de la Pologne. Sans doute, si Roosevelt n'avait pas été mourant, si Churchill n'avait pas été battu aux élections, si la France n'avait pas été si affaiblie...
Bref, on dévore ce millier de pages avec intérêt, curiosité et plaisir tant la traduction et les commentaires sont de qualité...
Encore plus important que le tome 1 10 étoiles

Je n'ai pas lu ce livre seulement en suivant les avancées et les retraites des différentes armées sur les nombreux fronts de guerre - même si ce point de vue est essentiel - mais en détectant les prémices de ce qui allait suivre la fin de la guerre. Pour la guerre elle-même, ce qui frappe c'est l'ahurissant effort productif et logistique accompli par les Anglais et les Américains (surtout): approvisionner en armes, munitions, moyens logistiques, aliments des centaines de milliers d'hommes répartis quasiment dans le monde entier. Et tout cela en formulant les choix stratégiques correspondant, objets d'innombrables échanges, rapports, réunions entre les belligérants: la Birmanie ou la Normandie? 3 porte-avions chez les américains en 1942, plus de cent en 1945! Avec des millions de tonnes de navires coulées par les sous-marins allemands. Cet effort a stimulé une recherche technologique qui a soutenu le développement économique du monde pour presque 50 ans.
Churchill a été à la hauteur de presque la totalité de ces enjeux. Plus plaidoyer "pro domo" que le tome précédent, cette rédaction est opportunément corrigée par les notes du traducteur. Par contre son comportement semble beaucoup plus ambigu dans ses relations avec Staline dont il paraît mésestimer la duplicité, comme le font les américains d'ailleurs. S'il laisse échapper certaines réflexions ( p. 515;"Ne pourrait-on trouver plutôt cynique que nous paraissions avoir réglé ces problèmes si vitaux pour des millions de gens d'une façon aussi cavalière?"). Fils d'une époque où l'Occident réglait ses problèmes sur le dos de n'importe quelles populations, il évite soigneusement d'évoquer, sauf en fin de livre et à mon sens insuffisamment, les manoeuvres de l'URSS. Il ne tire pas, en particulier, les leçons de l'arrêt de l'armée rouge à 25 kilomètres de Varsovie où les autorités soviétiques avaient favorisé un déclenchement insurrectionnel, attendant que les allemands écrasent la résistance polonaise qui leur serait sûrement hostile ultérieurement.
Hors ces quelques remarques, cet ouvrage est d'une lecture facile, fondé sur une série de témoignages passionnants et une réflexion de haut vol.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 3 août 2017