Le petit navigateur
de Odysséas Elýtīs, Jan Voss (Dessin)

critiqué par Septularisen, le 13 novembre 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
«Et la Poésie toujours est unique, comme unique est le ciel.»
XXIII

«Assurément, dans son enfance, le soleil devait être une goutte d’eau pure. De là, sa façon d’étinceler aux cils, et de garder la rosée sur les murs peints d’icônes, au mois de juillet, en plein midi.
Je laisse la transparence. S’il arrive que tu sois amoureux d’une jeune fille, tu vois à travers elle : comme à travers les poèmes. »
(…)

Né à Héraclion, en Crète, Odysseus ELYTIS [(1911-1996), de son vrai nom Odysséas ALEPOUDHÉLIS}, est sans doute l’un des plus grands poètes grecs du XXe S. et malheureusement bien trop peu connu dans nos pays. Profondément influencé par les surréalistes français, il a replacé la poésie grecque antique dans son héritage occidental, mais sans jamais oublier son caractère profondément oriental.

«Le petit navigateur» est une réflexion, une interprétation, une sorte de démarche de l’auteur pour retrouver le véritable visage de la Grèce. Il nous parle ici de son pays de façon directe, lucide et vraie. Il nous décrit la lumière, de la mer, des plages, du soleil, du sable, des jardins, des murs, du vent, des arbres, des villes, des poissons, des coquillages, des volcans, des figuiers et bien sûr des bateaux qu’il compare à son pays.

XXVI

(…)
«Nulle part ailleurs, je n’ai senti ma vie aussi justifiée que sur le pont d’un bateau. Tout à sa juste place : les vis, les tôles, les tuyaux, les câbles métalliques, les plaques d’aération, les instruments de navigation ; et le même moi qui enregistre l’oscillation sans fin en demeurant au même point. Un monde plein, qui se suffit à lui-même et solide, qui me répond et auquel je réponds et nous pénétrons ensemble comme un seul corps dans le danger et le miracle.

Navire éternel mon pays.»

C’est une poésie très riche, exigeante difficile à lire, remplie de métaphores, d’analogie et de symboles. Le poète perd parfois son lecteur dans le labyrinthe infini de son imaginaire. Il y a souvent des mots cachés, des images complexes, des allusions obscures. Ses thèmes sont pourtant des plus classiques, allant de la condition humaine au temps qui s’écoule inexorablement, en passant par la nature, l’amour, les femmes, la vie et bien sûr, ce qui lui tient le plus à cœur «le bateau fou de la Grèce»!

Pas besoin d’en dire plus, comme toujours je préfère laisser la parole au poète et à sa poésie, qui n’a pas besoin de mes commentaires pour nous révéler sa grandeur.

X

«Le fait que j’ai pu jouir d’une vie pleine d’actions visibles de tous et par conséquent gagner ma transparence même, je le dois à un genre de courage particulier que m’a donné la Poésie : et je deviens vent pour le cerf-volant et cerf-volant pour le vent, même quand il n’existe pas de ciel.
Je ne joue pas avec les mots. Je parle du mouvement dont on découvre le déploiement à l’intérieur de la «seconde», quand on réussit à l’ouvrir et à lui donner une durée. Alors, véritablement, la Tristesse aussi devient Grâce et la Grâce Ange ; la Félicité prend l’habit de la Religieuse et la Religieuse celui de la Félicité

Avec, blancs et longs, des plis au-dessus du vide

un vide plein de gouttes d’oiseaux, de brises de basilic et de sifflements sourds du Paradis.»

Rien à rajouter, un petit livre idéal pour partir à la découverte de la poésie d'Elytis...

Prix Nobel de littérature en 1979, Odysseus Elytis est le deuxième, - et au moment où j’écris ces lignes -, le dernier écrivain grec à avoir été honoré de ce prix par l’Académie Suédoise.