Nada
de Jean-Patrick Manchette

critiqué par Rotko, le 25 octobre 2003
(Avrillé - 51 ans)


La note:  étoiles
Sec et percutant.
Un groupe anarchiste décide, pour donner de l'audience à son manifeste politique révolutionnaire, de kidnapper l'ambassadeur américain...
Par des montages alternés, Manchette campe brièvement les différents protagonistes : qu'ils se rencontrent, se cherchent ou se parlent, leur présence physique est assurée par des mots, des silences ou des comportements.
Avec une grande économie de moyens, une construction rigoureuse, le roman policier est, comme on sait, le dernier avatar de la tragédie. La machine infernale est lancée, son parcours, minuté, et le lecteur est pris dans l'engrenage.
Si les anarchistes du groupe maitrisent mal leur "métier", Manchette possède le sien. De son livre se dégage la vision d'un monde de violence, où l'Etat aura le dernier mot par tous les moyens. Brutalité, manipulation de la police, intox de l'opinion. De leur côté, certains anars (buenaventura diaz) incarnent une vision romantique désespérée, peu sûre idéologiquement, mais incarnation d'une "conscience malheureuse". Un avis : "Nada"(1972) annonce, explique et critique la dérive sans issue du "terrorisme gauchiste", instrumentalisé par le réel et dangereux "terrorisme d'Etat"( Marc Milants).
Anars et barbouzes 8 étoiles

Une fine équipe de gauchistes composée de Buenaventura Diaz, musicien catalan anarchiste, Meyer, serveur dans un restaurant, Treuffais, prof de philo au cours Saint-Ange et d'Arcy, ivrogne invétéré, s'acoquinent avec Epaulard, ancien résistant FTP pendant la guerre, puis barbouze communiste et maintenant tueur à gages avec couverture de conseiller juridique. Tous veulent tenter un gros coup, l'enlèvement avec demande de rançon de Richard Poindexter, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en poste à Paris. En allant visiter la planque où ils comptent retenir leur victime, ils mettent dans le coup Cash, jolie fille qui se présente elle-même comme « prostituée en lutte contre le capitalisme « technobureaucratique ». Peu après, Treuffais les laisse tous tomber en prétextant des raisons de divergences idéologiques… L'enlèvement de l'ambassadeur surpris en pleine action dans une des chambres d'un bordel de luxe, le Club Zéro, est une réussite avec deux morts à la clé quand même. Mais cela ne présage pas de la suite. Une équipe du SDCE avait filmé toute la scène dans le cadre d'une autre affaire…
« Nada » est un roman noir assez agréable à lire avec un arrière-plan politique important. Manchette fut certainement inspiré par l'actualité de l'époque (Brigades Rouges, affaire Aldo Moro et autres) et peut-être même par les « exploits » de groupes anarchistes du début de l'autre siècle (bande à Bonnot). Ses personnages sont de véritables bras cassés, des archétypes quasi caricaturaux. L'intrigue est s ans complexité, avec peu de rebondissements et l'habituelle fin à la Manchette en apothéose avec une longue fusillade décrite de manière cinématographique et ses conséquences attendues. Le lecteur voit bien les limites de ce genre de coup d'éclat qui ne fait que renforcer au bout du compte le pouvoir en place. Le propos de l'auteur semble d'ailleurs assez désenchanté pour ne pas dire désabusé. Sans être génial, ce polar noir, reste intéressant ne serait-ce que pour la plongée dans un monde barbouzard (le SAC gaulliste est visé également au passage) déjà bien à la manœuvre dans les années 60 et qui a sans aucun doute perduré sous d'autres formes jusqu'à nos jours.

CC.RIDER - - 67 ans - 20 août 2025


Dans la mouvance anarchiste 6 étoiles

Pas franchement un polar, mais un peu quand même, Nada est le récit d’une tentative d’enlèvement de l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en plein Paris. Il m’a évoqué une lecture récente, beaucoup plus violente et hard, de Karine Giebel, « Purgatoire des innocents ».
Nada est nettement antérieur, 1972, et Jean-Patrick Manchette a l’aura d’un des précurseurs du roman noir français. Pour autant, cet épisode ne m’a pas outre mesure convaincu. L’écriture d’une part, qui m’a paru relâchée, qui m’a fait buter par moments sur la lecture, et puis les idées d’autre part, très datées « gauche des années 1970 à 2000 ». Ca m’a paru n’avoir pas forcément bien vieilli.
Pourtant le montage de l’enlèvement ainsi que sa réalisation, puis ce qui s’ensuit derrière, est bien conçu, cohérent et crédible. Mais … trop de manichéisme, de parti-pris, de naïveté nuisent. Me semble-t-il. Les flics sont des cons ou des pourris (ou les deux tant qu’à faire), ainsi que les décideurs politiques, les « méchants », eux, ont de bonnes raisons de l’être et d’engager une action terroriste. Bon ?
Treuffais, un professeur de philo idéaliste, Epaulard, un ancien légionnaire et résistant qui a mal tourné, d’Arcy, un alcoolique mal parti, Buaneventura Diaz, anarchiste dans la tradition catalane et de l’autre bord des flics sans nuances et sans scrupules … Trop manichéenne cette livraison de Jean-Patrick Manchette. Et à relire mes autres critiques d’ouvrages de JP Manchette, je m’aperçois que j’ai régulièrement buté sur son écriture. Je dois avoir la mémoire courte pour y revenir néanmoins !

Tistou - - 69 ans - 10 décembre 2020


Rien à ajouter! 8 étoiles

Je n'ai rien à ajouter à la critique de Rotko. A part le nom de Roger Vailland, cité dans le texte, et dont le 325 000 Francs (sans être policier) plaira aussi à ceux qui ont aimé ce livre...

Arnaud Gérard - - 64 ans - 24 avril 2017