Mohawk
de Richard Russo

critiqué par Sundernono, le 12 août 2014
(Nice - 41 ans)


La note:  étoiles
Mohawk
Richard Russo est né en 1949 aux Etats-Unis. Son enfance dans une cité ouvrière l'a profondément marqué et se retrouve dans ses œuvres dont l'excellent Le déclin de l'empire Whiting fut récompensé par le prestigieux prix Pulitzer en 2002.
Mohawk est son premier roman publié en 1986.

Une fois de plus Richard Russo nous dépeint la vie d'une typique petite bourgade du nord-est américain : Mohawk. Construite autour de ses usines de Tannerie qui concentrent l'essentiel de l'activité économique locale, Mohawk symbolise l'Amérique de la middle class en proie au déclin.
Les ingrédients qui ont fait le succès de cet auteur sont déjà présents. Je pense notamment aux personnages si humains parfaitement narrés, leurs relations, les querelles entre familles, les secrets, la petite touche mélancolique d'une Amérique sur la pente descendante.
Dallas Younger doué pour la mécanique et la débrouille, son ex-femme, Anne, beauté locale mais dont la vie aurait pu être toute autre, leur fils Randall, clé de ce roman, Harry le patron du dinner, Wild Bill, être étrange , Diana et son mari Dan ainsi que d'autres personnages forment une fresque poignante et âpre, pour reprendre les termes du quatrième de couverture. Ils constituent l'essence d'un roman riche et simple à la fois tant le style de Russo apporte finesse et fluidité au récit.
Comme rien ne vaut mieux qu'un extrait, voici le début du chapitre 4 :
« Dallas Younger grogna et se retourna dans son lit. Il venait de faire un rêve saisissant et il voulait se rendormir pour savoir comment ça se terminerait. S'il ne connaissait pas la fin, ça le tracasserait toute la journée. Il perdrait du temps à essayer de se remémorer les détails de son rêve, à chercher des indices, jusqu'à ce que l'état conscient fasse tout disparaître. Dallas se fichait des rêves achevés, mais les fragments l'inquiétaient.
Sur la table de chevet, le réveil tremblotait et bourdonnait faiblement, comme toujours quand il le laissait sonner longtemps avant de l'éteindre. Il ouvrit un œil et regarda furtivement le réveil, écartant l'idée, encore un instant, qu'il s'était réveillé en retard une fois de plus. Soudain, une pensée affreuse le frappa et il fit glisser sa langue sur ses gencives. Refusant d'accepter le verdict d'une vulgaire langue qui, maintenant qu'il y réfléchissait, présentait un goût rance suspect, il introduisit son index dans sa bouche et le promena à l'intérieur. Son dentier avait encore disparu. »

Mohawk est un bon roman et celui-ci n'étant pas mon premier de cet auteur je me permets de faire des comparaisons. Ainsi l'ai-je trouvé moins abouti, moins dense que ses successeurs, notamment quatre saisons à Mohawk dont le personnage central, Sam Hall m'a profondément marqué. Cependant cette première œuvre est tout de même d'une très bonne qualité. Bien construit, style simple mais efficace, des personnages attachants et surtout des dialogues qui font mouche, voilà les ingrédients d'un roman à conseiller.
Une plongée fascinante dans un monde clos 8 étoiles

Années 60, une petite ville nord américaine sur le déclin et le génie de Richard RUSSO, qui dissèque le quotidien d'êtres qui sont et qui auraient pu ....!
Deux affreuses vieilles femmes qui imposent leur violences mentales, deux couples mal-appariés, un tenancier de bar des plus attachants, des victimes, des générateurs de cruauté, un père étonnamment double (lâche ou super honnête) et surtout des paumés.
Une belle approche sociétale : des personnages déconcertants qu'on a envie de mieux cerner, des reconductions générationnelles dé passables (?), des individus peu acteurs de leur vie et une grande tristesse....
Mais quel bel ouvrage !
Une écriture fluide, une approche cernée des personnes dans leur incapacité à se révolter, un regard sans complaisance sur les "magouilles" de nombre d'entre eux à leur niveau, et surtout des incompréhensions et une incapacité à communiquer.
Ce livre vaut vraiment le détour. Triste : OK, mais pas complètement sans espoir.
On n'en sort pas indifférent !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 17 juin 2016