Trop
de Jean-Louis Fournier

critiqué par Alma, le 11 août 2014
( - - ans)


La note:  étoiles
La complainte du pauvre consommateur
Alors que certains pays souffrent du peu ou du rien, le monde occidental souffre, lui, du trop. C’est ce que, par la plume caustique et pleine d’humour qu’on lui connaît, Jean-Louis Fournier entreprend de montrer en 39 rubriques.

Il joue ici le blues du pauvre consommateur qui, venu au supermarché pour acheter un plaquette de beurre, une brosse à dent, un nettoyant ménager ou tout autre denrée courante, ne sait plus où donner de la tête dans les linéaires, perdu parmi la variété de propositions pour un même produit. Véritable épopée que celle de faire ses courses ! Sollicité par des qualificatifs prometteurs et hyperboliques « les plus, les super, les extra, les hyper, le premium, le maximum, l’excelliom » ou par des notices qui rivalisent de termes pseudo-scientifiques pour se démarquer d’articles pourtant similaires, le consommateur est sommé de sélectionner un produit au milieu de ceux qui lui ressemblent. Fournier envisage toutefois ce qu’il appelle « une issue de secours »; vous la découvrirez à la fin de l’ouvrage.

L’offre est tout aussi surabondante dans le domaine de l’information ou de la culture : quel journal lire, quelle radio choisir parmi tous ces médias qui sollicitent votre attention mais diffusent en boucle la même information ? Dans les pharmacies aussi, les médicaments se bousculent pour vous attirer, dans une pléthore de drogues séductrices. Même la vie devient trop longue ! Les centenaires abondent à présent dans les maisons de retraite, ils errent dans les couloirs, le regard perdu, en attente de la mort qui les délivrera de ce que Fournier appelle « la désespérance de vie ».

180 pages où se manifeste la plume vigoureuse de l’auteur. Il n’est pas de ceux qu’il égratigne au passage : les écrivains qui font du remplissage « trop de mots. Quelquefois des mots inutiles. Des mots compliqués pour faire intelligent. Quand on ne trouve pas le mot juste, on met plusieurs mots approximatifs. Avec sa plus belle plume, l’écrivain ajoute des adjectifs qualificatifs pour remplir les vides et pour décorer. Ce n’est plus une page de livre, mais une vitrine de Noël ». Chez lui, le verbe est économe mais percutant.

Empruntant son exergue à Gérard de Nerval « trop ne vaut rien » , et à Marguerite Yourcenar sa phrase finale « goûter tout son saoul au luxe suprême qui consiste à se couper de tout » , JL Fournier propose une quarantaine de rubriques. C’est beaucoup, me direz-vous . C’est trop, peut-être pour faire prendre conscience de l’overdose d’offres alléchantes . A vous de juger ……
C'était mieux avant... 5 étoiles

Jean-Louis Fournier est un auteur que j’apprécie particulièrement ; son humour, sa tendresse, son sens de la formule. J’étais donc ravie de découvrir ce livre.
J’y ai bien retrouvé son sens de la formule mais perdu au milieu d’une nostalgie voire d’une certaine amertume envers notre société de consommation, ces offres pléthoriques de produits de consommation, d’offres culturelles…
"J’ai une vieille poubelle hors d’usage. Je veux m’en débarrasser. J’ai voulu la mettre à la poubelle : impossible. Les éboueurs ne prennent jamais les poubelles."

C’est très juste, bien vu, et démontre parfaitement l’absurdité de ce consumérisme.
On partage souvent le même point de vue, mais que ces listes détaillées de lessives, de beurres, de yaourts…. m’ont semblé inintéressantes.
Beaucoup de déception pour cet amer billet d’humeur qui manque singulièrement d’humour.
"Nous sommes les enfants gâtés et gavés qui à Noël n’ouvrent plus les cadeaux."

Marvic - Normandie - 66 ans - 30 janvier 2019